Réunion publique ou meeting de l’UMP ? Boris Boillon, ambassadeur de France en Irak, invité par Génération France Jeunes.

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po


« 0% petites phrases, 100 % débat » peut-on lire sur le groupe Facebook de Génération France Jeunes, le petit club de soutien à Jean-François Copé, embryon de comité de campagne pour le futur candidat à la présidentielle de 2017.

Un débat ce n’est pas comme ça que l’on pourrait qualifier la réunion, ou plutôt le meeting organisé par les GFJ, pour les intimes, jeudi soir à Sciences Po autour du nouvel ambassadeur de France en Irak, Boris Boillon. Celui qui se définit dans la presse comme « un  produit sarko » était, avant d’être nommé ambassadeur, conseiller diplomatique Nicolas Sarkozy à l’Elysée. L’intervention très claire, (conçu comme un exposé façon Sciences Po en deux parties) sur les enjeux stratégique en Irak et le positionnement de la France dans ce pays clé pour la stabilité du Moyen-Orient, ne manque pas de certaines remarques pertinentes, notamment sur la logique de diversification des partenaires étrangers, dans laquelle s’est engagé le gouvernement irakien, depuis l’annonce programmée du retrait des troupes américaines. On est cependant un peu moins convaincu par l’analyse consistant à envisager l’évolution de la société irakienne selon 7 modèles différents, fondés sur une conception très « occidentalo-centrée » et assez superficielle du monde arabe.

Mais très vite, s’estimant être parmi un public acquis, composé de davantage de militants UMP que d’étudiants de Sciences Po, M. l’Ambassadeur s’est laissé allé aux « petites phrases », et est redevenu M. Boillon, conseiller de Nicolas Sarkozy, récitant une litanie de propos élogieux à l’égard de son mentor, prenant des allures de sergent-recruteur de l’UMP.
Certes, il ne s’agit pas de nier le caractère politique des nominations d’ambassadeurs (au même titre que celle des préfets), qui n’est d’ailleurs pas propre au pouvoir actuel, on peut toutefois s’inquiéter de cette politisation clairement assumée et même revendiquée. Car c’est bien là le danger qui guette notre administration, le président de la République use de son pouvoir de nomination que lui confère la Constitution, comme un moyen de placer ses plus proches conseillers et amis et laisse ainsi s’installer le doute sur les missions réelles de l’administration, qui serait tentée de servir davantage les intérêts d’un Etat UMP que l’intérêt général.

A écouter M. Boillon, on se demandait parfois si on avait bien en face de nous un fonctionnaire parlant au nom des intérêts de la France, ou celui d’un porte-parole de la majorité présidentielle. La conception que le jeune et dynamique ambassadeur de France en Irak se fait de son métier de diplomate est d’ailleurs en parfaite adéquation avec la vision personnelle du chef de l’Etat, adepte de la seule diplomatie du « tiroir caisse » (pour reprendre la formule d’Aurélie Filippetti). Se qualifiant de « corsaire », M. Boillon se revendique comme « un ambassadeur économique » jugé sur ses résultats en termes de contrats décrochés depuis Bagdad ; on retrouve bien là d’ailleurs toute la sémantique du sarkozysme, qui procède d’une conception purement quantitativiste des fonctions de l’Etat et de l’action publique. L’aspect coopération culturelle, malgré les intentions économiques – par ailleurs tout à fait louables- d’attirer des étudiants boursiers irakiens en France, n’échappe pas à cette logique de marchandisation du rayonnement culturel de la France. Comme le dit, avec une grande liberté de ton notre jeune ambassadeur « il ne s’agit pas de savoir réciter de beaux poèmes » (et encore moins de distribuer aux jeunes irakiens la Princesse de Clèves en livre de poche) mais de défendre une « diplomatie publique » en faisant « de la résidence de l’ambassadeur à Bagdad, ré ouverte dans quelques semaines the place to be » !, en somme une sorte de lieu branché, tendance et hype pour tous les VIP de la société irakienne, animé par « l’ animateur d’ambiance » que doit être l’ambassadeur…

Ce choix d’une « diplomatie publique », selon les propres termes de M. Boillon, qui multiplie les évènements médiatiques, est un des axes que doit se fixer le fonctionnaire new look du Quai d’Orsay. Ce n’est plus le portrait du diplomate, haut fonctionnaire de l’Etat que nous dresse M. Boillon, mais celui de « l’homo diplomaticus » façonné par Nicolas Sarkozy, dont l’anatomie consiste en « un corps politique doté d’un cœur médiatique, reposant sur une jambe économique, et une jambe culturelle, avec des mains oscillant entre la compassion et la prise de possession ».
Au-delà de cette amusante description, ce qui retire l’attention à l’issue de ce curieux meeting de diplomate c’est la prise en otage complète de la politique étrangère française par Nicolas Sarkozy. L’Elysée a toujours piloté de très près la diplomatie française, mais avec Nicolas Sarkozy, on a de plus en plus l’impression que le pilote est seul dans l’avion, et que rien ne fait obstacle au chef de l’Etat dans le rapt auquel il se livre sur les institutions et les principes fondamentaux de notre socle républicain. 

A.L 

Publié dans Point de vue militant

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T
<br /> Et David Martinon, consul de France à Los Angeles!<br /> <br /> Décidément la diplomatie serait-elle un placard doré!?...<br /> <br /> <br />
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