Europe : pour le nouveau traité institutionnel et pour un référendum, proposition aux parlementaires socialistes…

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

Sans dévoiler l'intégralité du contenu de l'AG du 22 novembre sur le traité modificatif européen (dont un compte-rendu sera rapidement publié), la section a exprimé clairement son point de vue à cette occasion. Un soutien quasi-unanime à la position du Bureau national du 6 novembre (à savoir le "oui" sur le fond du traité) a effectivement été exprimé. Sur le mode de ratification, qui n'a pas été encore arbitré au niveau national, le débat doit en revanche continuer. Une première tribune libre est publiée aujourd'hui par Bastien Taloc (qui a fait cette proposition lors de l'Assemblée Générale), avant celle de Paul Lehair demain.

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Par une décision du Bureau national, les socialistes ont fait un choix clair : celui d’apporter leur soutien au projet de traité modificatif européen. Cependant, dans la perspective probable d’une ratification par voie parlementaire, quelle doit être la position des socialistes quant aux moyens de ratification et l’attitude des parlementaires socialistes ? Entre notre appui au déblocage institutionnel de l’Europe et notre préférence pour un référendum, la voie semble en effet étroite…
 

 

Pour des institutions plus démocratiques et efficaces, oui au nouveau traité institutionnel européen !

 
Le traité modificatif présente des avancées incontestables que nous devons saisir.

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La gauche réformiste ne peut refuser ces avancées au motif qu’elles seraient insuffisantes, elle doit résister à cette tentation qui pourrait la conduire à juger ce texte à l’aune de son idéal et à nier la réalité des rapports de force actuels et du mode de fonctionnement des institutions en Europe. Nous devons voir des avancées dans ce texte, par comparaison avec l’existant, à savoir avec le traité de Nice, des avancées sans doute modestes mais qui nous rapprochent de la perspective d’une Europe aux institutions plus démocratiques et plus efficaces.

 

Ce simple constat suffit à justifier notre appui au nouveau traité européen. C’est sans doute dans cet esprit que le bureau national a d’ailleurs tranché en faveur du traité.

 

La position des socialistes vis-à-vis du texte du traité lui-même est donc désormais arrêtée. Reste donc la question de notre position quant au mode de ratification qui sera connue lorsque le Conseil constitutionnel aura statué sur la nécessité d’une révision constitutionnelle.

 

 

Au nom de la moralité politique et du « parallélisme des formes », oui au référendum !

 

Cette question est essentielle. Pour l’auteur de ces lignes, il ne fait aucun doute que l’abandon d’une ratification par voie référendaire relèverait du reniement.

 

Il ne s’agit pas pour les socialistes d’adhérer dans l’absolu au référendum comme forme plus démocratique que ne le serait le recours à la voie parlementaire. Une telle position aboutirait à une cruelle ironie : nous deviendrions désormais les garants d’une conception bonapartiste des institutions que nous avons pourtant combattue face au Général de Gaulle…

 

Le choix du référendum est en revanche nécessaire pour deux raisons.

 

R--f--rendum.JPGAu nom du « parallélisme des formes » tout d’abord. Les Français ont rejeté par la voie référendaire un traité constitutionnel dont de nombreuses innovations (essentiellement institutionnelles) sont reprises dans le texte du présent traité. Souhaitons-nous donner le sentiment aux citoyens de « vendre à la découpe » par voie parlementaire des dispositions auxquelles ils ont formellement dit « non » ?

 

Au nom de la moralité politique ensuite. Soucieux de respecter le choix des Français et ce fameux « parallélisme des formes », les socialistes ont pris l’engagement de consulter les Français dès le congrès du Mans. Cet engagement a été logiquement repris par Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle devant les électeurs. Nous sommes certes dans l’opposition mais notre situation ne doit pas nous servir de paravent de ce qui serait un renoncement.

 

 

Du congrès du Mans à celui de Versailles…

 

Mais une fois posée l’exigence de défendre le recours au référendum, que doivent faire les parlementaires socialistes dans l’hypothèse très probable du choix par Nicolas Sarkozy d’une ratification par voie parlementaire ? Comment les parlementaires de gauche peuvent-ils par leur vote marquer notre attachement au référendum sans brouiller notre message quant au traité modificatif lui-même et au choix des moyens de ratification ?

 

Le vote « non » constitue à cet égard une impasse : outre le fait que nous ne disposons pas de toute façon d’une minorité de blocage dans la perspective d’un congrès parlementaire, ce choix serait pour le moins ambigu. Nos adversaires ne manqueraient pas de faire un amalgame et de le présenter comme une réponse négative au traité. Or les socialistes ne sont pas les adversaires du déblocage des institutions européennes. Il faut que nos concitoyens en soient convaincus.

 

Le vote « oui » présente des limites importantes : dans la continuité du vote du BN, il marqueraitCongr--s-de-Versailles.JPG notre adhésion au nouveau traité. Mais d’aucuns n’hésiteraient pas à faire l’amalgame entre cette adhésion au traité et la question des moyens de ratification. Ils y verraient alors une acceptation tacite de la voie parlementaire et un renoncement à nos engagements.

 

L’abstention serait peut-être le pire des compromis, apparaissant comme un non choix ambigu, amalgamant des positions très différentes en réalité, sans cohérence ni message clair. Ce choix pourrait être interprété en tous sens et affaiblir encore plus le message porté par le PS.

 

Ni oui, ni non, ni abstention : l'équation devient insoluble… Encore qu’il est possible d'en changer les données et qu'il existe une autre voie – sans doute encore marginale mais à laquelle l’auteur de ces lignes adhère – qui permettrait aux socialistes d’éviter ces nombreux pièges…

 

 

Pour une « politique constructive de la chaise vide » ?

 

Cette solution suppose que deux conditions soient remplies (et non des moindres) : d’une part, que les parlementaires socialistes agissent tous dans ce sens, sans exception ; d’autre part, que cette solution soit accompagnée d’une stratégie médiatique efficace, ce qui n’est pas souvent le point fort de notre parti…disons-le.

 

Cette solution est assez simple dans son principe : il s’agirait pour tous les parlementaires socialistes de ne pas se présenter à Versailles le jour du vote et d’organiser tous un évènement alternatif et unitaire pour marquer notre attachement au référendum et attirer l’attention des Français sur le fait que cette politique de la « chaise vide » n’est en rien un acte de refus du déblocage institutionnel de l’Europe (comme en témoigne la décision du BN). Il s’agit avant tout de manifester notre désaccord avec le choix de la voie parlementaire. Notre parti serait alors audible.

 

Reste à définir la forme que pourrait cet évènement inédit qui a vocation à attirer l’attention de tous les médias et à la détourner du congrès de Versailles. Simulations de référendum ? Pourquoi pas. Comptons sur l’imagination de nos militants et des parlementaires…

 

Cette proposition est sans doute très optimiste mais si toutes ces conditions sont réunies, elle peut avoir le mérite de la clarté, à la différence d’un vote à Versailles, quel qu’il soit…

Bastien Taloc

 

Publié dans Point de vue militant

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T
@ Bastien. Je partage l'objectif de préserver l'unité des socialistes autant que possible. La question n'est donc pas "oui ou non au traité". Ce débat est derrière nous. Il est tranché par le BN.<br /> <br /> La question n'est pas "oui ou non au referendum". Là encore, nous avons tranché : au Mans, dans notre projet, dans le programme des législatives. Cette position là est unanime. Essayons de nous y tenir.<br /> <br /> La question est : "quels sont les moyens d'obtenir ce referendum". Les enjeux de l'appareil sont risibles à côté de l'importance sur le principe de faire respecter la voix des français. Qui plus est l'un et l'autre ne sont pas incompatibles.<br /> Le moyen est connu. Un vote non au processus de ratification par le congrès selon l'article 89, ce qui obligera à faire appel à l'article 11 : ratification par referendum.<br /> <br /> John, en effet, l'arithmétique est têtue.<br /> Sur 908 parlementaires, 538 sont opposés au referendum, il en faut 545. Dans ces 538, je compte le Modem qui pourtant s'est prononcé en faveur d'un referendum. L'ennui, c'est que comme bon nombre d'entre eux au Sénat n'ont pas tranché entre Modem et Nouveau centre, il impossible de faire un compte juste.<br /> Sarkozy ne détient pas la majorité des 3/5ème.<br /> <br /> "Que partageons-nous avec de Villiers sur sa conception de l'Europe ?" <br /> <br /> Que partageons-nous avec Sarkozy ?<br /> <br /> <br /> Je ne comprendrait pas qu'on renie nos engagement de campagne pour une misérable histoire d'image, d'affichage. Personne ne le comprendra, d'ailleurs.
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N
@ John : je pense que certains parlementaires UMP pourraient voter NON, par conviction personnelle ou juste pour faire chier Sarko (l'unité de l'UMP n'étant que de façade, et encore...)<br /> <br /> Donc il n'est pas indispensable que tous les parlementaires de gauche votent non pour que le texte soit bloqué. Ceci dit, il reste peu probable que ne non pourrait réunir les 363 voix nécessaires, compte tenu du refus probable de nombreux parlementaires de gauche de voter non contre leurs convictions. Perso, si on me donnait une voix au Congrès, je voterai oui, et ce même en connaissant la proposition de Bastien...
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J
@ sophie, <br /> <br /> lors de l'AG, nous avons clairement (20 voix sur 21) apporter notre soutien au fond du texte. Nous n'allions pas ensuite voter une solution qui contribuait à remettre en cause la ratification du texte. En revanche, le référendum doit rester une exigence (même si nous n'arriverons pas à l'imposer à Sarkozy !), c'est ainsi que l'opération évoquée par Bastien permettrait de sensibiliser les Français au maintien de notre position initiale. <br /> <br /> Par ailleurs, il s'agit d'une solution par élimination puisque comme l'explique Bastien, toutes les autres sont inatteignables. Je te rappelle qu'après la position du BN, chaque parlementaire conserve néanmoins sa liberté de vote. Si la position était donc "non" (pour bloquer la procédure), j'espère que ta conception de la liberté ferait que les parlementaires auraient également la possibilité de voter tout de même "oui", en fonction de leurs convictions. <br /> <br /> La solution envisagée par Bastien, malgré ses conditions de réalisation difficiles, me semble donc et de très loin la moins mauvaise. <br /> <br /> @ Tom, <br /> <br /> on peut se raconter ce que l'on veut mais l'arithmétique ment rarement. <br /> <br /> La minorité de blocage au Congrès = 363 voix. La totalité des parlementaires de gauche = 355 voix. A considérer que tous les parlementaires de gauche (cela voudrait dire que tu obliges tout le monde à voter "non", càd contre leurs convictions pour certains), nous n'atteindrions même pas la minorité de blocage. <br /> <br /> Mais tu as raison, si tous les parlementaires socialistes s'allient avec 14 parlementaires souverainistes (les villéiristes notamment), nous pourrions y arriver, mais à quel prix ! Que partageons-nous avec de Villiers sur sa conception de l'Europe ? <br /> <br /> Voilà pourquoi - de manière arithmétique - cet objectif est inatteignable.
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G
Sur la politique de la chaise vide, je trouve que c'est une très bonne idée et une initiative originale. Je sais que nous sommes de vrais gaulliens ;-) même si c'est pas à l'OTAN, au congrès de Versailles, pourquoi pas tenter le coup.
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B
@ Tom-,<br /> <br /> Je ne nie pas que le traité est un traité complexifié, loin s'en faut... mais il comporte des avancées (fussent-elles modestes) que nous devons saisir.<br /> <br /> Le vote "non" n'est pas un vote réaliste et je le maintiens. Il apparaît clair que ce ne peut être un choix qui rassemblera les socialistes au vu de leurs déclarations. La seule attitude susceptible d'assurer notre unité est à mon avis celle que je propose ici.<br /> <br /> Je ne doute pas qu'elle est très optimiste. Je maintiens que nous ne pouvons pas constituer de minorité de blocage sur la base d'un vote non au vu des positions déjà prises au sein du PS et par les autres partis qui avaient proposé une ratification par voie référendaire... Il faut ouvrir les yeux !<br /> <br /> Encore une fois, ma proposition procède d'une volonté de trouver une solution qui rassemble les socialistes. Et je ne vois que celle-là. Si les socialistes ne veulent pas s'y associer alors ils voteront chacun différemment et notre message sera plus que brouillé, voilà, je le regretterai...<br /> <br /> Quant à l'idée que les députés (et les sénateurs au passage, qu'il ne faut pas oublier) ont leur place à Versailles mais pas à un meeting ou un pic-nic, je pense au contraire que la politique de la chaise vide constitue un symbole intéressant : cela veut dire que nous refusons de trancher à la place des Français. Cette critique est assez curieuse de la part d'un partisan du référendum...<br /> <br /> @ Sophie,<br /> <br /> Je crois t'avoir déjà répondu... Il faut être réaliste sur les possibilités qui s'offrent à nous.<br /> <br /> Quant au réalisme du vote "non", je te renvoie aux paragraphes précédents...
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