Europe : pour le nouveau traité institutionnel et pour un référendum, proposition aux parlementaires socialistes…
-----
Par une décision du Bureau national, les socialistes ont fait un choix clair : celui d’apporter leur soutien au projet de traité modificatif européen. Cependant, dans la perspective probable d’une ratification par voie parlementaire, quelle doit être la position des socialistes quant aux moyens de ratification et l’attitude des parlementaires socialistes ? Entre notre appui au déblocage institutionnel de l’Europe et notre préférence pour un référendum, la voie semble en effet étroite…
Pour des institutions plus démocratiques et efficaces, oui au nouveau traité institutionnel européen !
Le traité modificatif présente des avancées incontestables que nous devons saisir.
La gauche réformiste ne peut refuser ces avancées au motif qu’elles seraient insuffisantes, elle doit résister à cette tentation qui pourrait la conduire à juger ce texte à l’aune de son idéal et à nier la réalité des rapports de force actuels et du mode de fonctionnement des institutions en Europe. Nous devons voir des avancées dans ce texte, par comparaison avec l’existant, à savoir avec le traité de Nice, des avancées sans doute modestes mais qui nous rapprochent de la perspective d’une Europe aux institutions plus démocratiques et plus efficaces.
Ce simple constat suffit à justifier notre appui au nouveau traité européen. C’est sans doute dans cet esprit que le bureau national a d’ailleurs tranché en faveur du traité.
La position des socialistes vis-à-vis du texte du traité lui-même est donc désormais arrêtée. Reste donc la question de notre position quant au mode de ratification qui sera connue lorsque le Conseil constitutionnel aura statué sur la nécessité d’une révision constitutionnelle.
Au nom de la moralité politique et du « parallélisme des formes », oui au référendum !
Cette question est essentielle. Pour l’auteur de ces lignes, il ne fait aucun doute que l’abandon d’une ratification par voie référendaire relèverait du reniement.
Il ne s’agit pas pour les socialistes d’adhérer dans l’absolu au référendum comme forme plus démocratique que ne le serait le recours à la voie parlementaire. Une telle position aboutirait à une cruelle ironie : nous deviendrions désormais les garants d’une conception bonapartiste des institutions que nous avons pourtant combattue face au Général de Gaulle…
Le choix du référendum est en revanche nécessaire pour deux raisons.
Au nom du « parallélisme des formes » tout d’abord. Les Français ont rejeté par la voie référendaire un traité constitutionnel dont de nombreuses innovations (essentiellement institutionnelles) sont reprises dans le texte du présent traité. Souhaitons-nous donner le sentiment aux citoyens de « vendre à la découpe » par voie parlementaire des dispositions auxquelles ils ont formellement dit « non » ?
Au nom de la moralité politique ensuite. Soucieux de respecter le choix des Français et ce fameux « parallélisme des formes », les socialistes ont pris l’engagement de consulter les Français dès le congrès du Mans. Cet engagement a été logiquement repris par Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle devant les électeurs. Nous sommes certes dans l’opposition mais notre situation ne doit pas nous servir de paravent de ce qui serait un renoncement.
Du congrès du Mans à celui de Versailles…
Mais une fois posée l’exigence de défendre le recours au référendum, que doivent faire les parlementaires socialistes dans l’hypothèse très probable du choix par Nicolas Sarkozy d’une ratification par voie parlementaire ? Comment les parlementaires de gauche peuvent-ils par leur vote marquer notre attachement au référendum sans brouiller notre message quant au traité modificatif lui-même et au choix des moyens de ratification ?
Le vote « non » constitue à cet égard une impasse : outre le fait que nous ne disposons pas de toute façon d’une minorité de blocage dans la perspective d’un congrès parlementaire, ce choix serait pour le moins ambigu. Nos adversaires ne manqueraient pas de faire un amalgame et de le présenter comme une réponse négative au traité. Or les socialistes ne sont pas les adversaires du déblocage des institutions européennes. Il faut que nos concitoyens en soient convaincus.
Le vote « oui » présente des limites importantes : dans la continuité du vote du BN, il marquerait notre adhésion au nouveau traité. Mais d’aucuns n’hésiteraient pas à faire l’amalgame entre cette adhésion au traité et la question des moyens de ratification. Ils y verraient alors une acceptation tacite de la voie parlementaire et un renoncement à nos engagements.
L’abstention serait peut-être le pire des compromis, apparaissant comme un non choix ambigu, amalgamant des positions très différentes en réalité, sans cohérence ni message clair. Ce choix pourrait être interprété en tous sens et affaiblir encore plus le message porté par le PS.
Ni oui, ni non, ni abstention : l'équation devient insoluble… Encore qu’il est possible d'en changer les données et qu'il existe une autre voie – sans doute encore marginale mais à laquelle l’auteur de ces lignes adhère – qui permettrait aux socialistes d’éviter ces nombreux pièges…
Pour une « politique constructive de la chaise vide » ?
Cette solution suppose que deux conditions soient remplies (et non des moindres) : d’une part, que les parlementaires socialistes agissent tous dans ce sens, sans exception ; d’autre part, que cette solution soit accompagnée d’une stratégie médiatique efficace, ce qui n’est pas souvent le point fort de notre parti…disons-le.
Cette solution est assez simple dans son principe : il s’agirait pour tous les parlementaires socialistes de ne pas se présenter à Versailles le jour du vote et d’organiser tous un évènement alternatif et unitaire pour marquer notre attachement au référendum et attirer l’attention des Français sur le fait que cette politique de la « chaise vide » n’est en rien un acte de refus du déblocage institutionnel de l’Europe (comme en témoigne la décision du BN). Il s’agit avant tout de manifester notre désaccord avec le choix de la voie parlementaire. Notre parti serait alors audible.
Reste à définir la forme que pourrait cet évènement inédit qui a vocation à attirer l’attention de tous les médias et à la détourner du congrès de Versailles. Simulations de référendum ? Pourquoi pas. Comptons sur l’imagination de nos militants et des parlementaires…
Cette proposition est sans doute très optimiste mais si toutes ces conditions sont réunies, elle peut avoir le mérite de la clarté, à la différence d’un vote à Versailles, quel qu’il soit…