Nicolas Sarkozy supprimera-t-il le ministère de la Défense ?
Ci-dessous, deux militants, spécialistes des questions de Défense, démontrent à quel point les "réformes" actuelles sont aussi désordonnées, brouillonnes que mal choisies et imposent aux socialistes de se réapproprier le sujet.
La nomination d’une « personnalité d’ouverture » au poste de Ministre de la Défense ne laissait planer aucun doute sur la marge de manoeuvre dont il disposerait pour accomplir ses tâches. Avec Hervé Morin, nos attentes n’ont pas été déçues ! Mis à part le fantôme de son ministre Nouveau Centre au charisme légendaire, que restera-t-il du Ministère de la Défense dans 5 ans ?
Pas grand chose si l’on en croit les chiffres des différents scénarii de rationalisation actuellement étudiés, parlant de 20 000 à 70 000 postes supprimés. La Défense fait partie des secteurs les plus visés par la Révision générale des politiques publiques (RGPP) visant à remettre à plat les missions de l’Etat. S’il n’est pas (encore) question de la déléguer au privé, la réduction drastique des effectifs est à l’ordre du jour et l’ampleur de la restructuration annoncée est telle qu’une loi de dégagement des cadres (qui permet l’indemnisation ou le reclassement de fonctionnaires) paraît difficilement évitable. Cette mesure avait été utilisée à l’issue de la 2ème Guerre Mondiale du fait de la fin des combats. Or aujourd’hui les menaces sont réelles et immédiates et les missions confiées aux armées de plus en plus nombreuses.
Ce décalage entre les attentes vis-à-vis des armées et les moyens qui leur sont consentis est de plus en plus flagrant. Ce qui choque le plus dans la méthode employée par Nicolas Sarkozy est sa propension à multiplier les chantiers parallèles. Ainsi, en 2008, la Défense n’est pas seulement concernée par la RGPP mais aussi par le Livre blanc sur la défense et la sécurité collective (LBDSC) et la loi de programmation militaire (LPM 2009-2013). Alors qu’une démarche logique aurait du consister à se concentrer sur la définition du rôle des armées dans le LBDSC puis à en tirer les conséquences au niveau des équipements et des effectifs dans la LPM, tout est mené de front et sans coordination. Là où l’on devrait se demander « de quels moyens ai-je besoin pour remplir mes mission ? » est posée la question « quelles missions puis-je remplir avec mes moyens ? ».
Les effectifs ne sont pas les seules cibles de « l’effort exemplaire » attendu des armées par Nicolas Sarkozy. Le parc immobilier de la Défense va en prendre un sacré coup. Le regroupement des états-major sur un seul site à Balard (qui reste à construire !) devrait permettre de solder les bijoux de famille des 7ème et 8ème arrondissement pour financer les dépenses courantes et combler le déficit de l’Etat. Quant à la fermeture de multiples sites en région, elle risque de remettre gravement en cause la cohésion territoriale et le tissu économique de certaines zones, notamment dans l’est de la France. Les élus de tout bord en conviennent et il n’y a bien qu’Hervé Morin pour s’en féliciter (« Parfois, fermer un régiment ou une base est une chance » - H. Morin, Le Midi Libre, 04/01/2008).
Il faut dire qu’il n’a plus grand chose d’autre à faire. L’Elysée s’accapare en effet de plus en plus de prérogatives autrefois confiées aux services du Ministère de la Défense. C’est par exemple désormais une « war room » qui pilote les grands contrats d’exportation d’armement. A cela s’ajoute l’annonce début janvier 2008 de la création d’un Conseil de Défense et de sécurité nationale qui confirme la concentration des pouvoirs en matière de Défense dans les mains du Président. Les pouvoirs du Ministre de la Défense sont donc rognés par le haut après l’avoir été en 2005 par le bas du fait d’un décret renforçant considérablement les pouvoirs du chef d'état-major des armées (CEMA). De là à placer le CEMA sous l’autorité directe et immédiate du Président de la République, il n’y a plus qu’un pas à franchir...
Ministre transparent, effectifs décimés, immobilier prêt à être liquidé, concentration des pouvoirs à l’Elysée... Dans son élan de rationalisation, Nicolas Sarkozy ira-t-il jusqu’à supprimer le Ministère de la Défense ?