Protégeons le droit d'amendement !

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po


Depuis la semaine dernière, l'Assemblée nationale travaille sur le dernier projet du gouvernement : instaurer un crédit-temps pour limiter l'obstruction législative. Nous le ressentons également comme une nouvelle diminution des contre-pouvoirs et un danger pour le travail parlementaire. La blogosphère socialiste s'empare du sujet et nous vous proposons de voir ou revoir l'intervention de Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère, devant un Frédéric Lefebvre dépassé.



Retrouvez la présentation de Jean-Jacques Urvoas sur son blog.

La réforme du droit d’amendement ou comment museler l’opposition
A la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet dernier, le gouvernement veut faire voter un projet de loi concernant la réorganisation des travaux du Parlement. L’article 13 de ce projet vise à instaurer une procédure d'examen des textes en séance publique dans des délais fixés à l'avance - le "temps global". Chaque groupe politique bénéficiera d'un temps déterminé par avance pour discuter d'un texte, à charge pour lui de le répartir entre présentation de motions de procédure (utilisée par l'opposition pour demander le rejet d'un texte), discussion générale et défense des amendements. Mais une fois ce temps épuisé, "les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion". 
L’objectif officiel de cette réforme est de mieux encadrer la procédure législative et d’accélérer les débats. Sur ce point, il semble que M. Sarkozy ignore quelques détails sur le travail parlementaire. D’une part, le gouvernement actuel ne cesse de vanter « l’exceptionnel bilan » de ce début de législature, avec pas moins de 72 textes de loi votés depuis Juin 2007. Les « murs d’amendement » déposés par la gauche n’ont donc pas freiné la frénésie législative voulue par M. Sarkozy. D’autre part, la droite aime à faire croire que l’opposition n’a jamais autant déposé d’amendements. Or les chiffres prouvent le contraire : la discussion concernant le projet de l’audiovisuel public, avec ses 79 heures de débat, paraît loin des 166 heures de débat qui ont eu lieu lors de l’examen du projet de loi sur la presse en 1984 (lorsque la droite était dans l’opposition…) de plus, sur les 10 textes les plus longuement débattus à l’Assemblée depuis 1981, 6 l’ont été lorsque la droite était dans l'opposition. Ces quelques chiffres prouvent donc que l’obstruction parlementaire est une invention complète de la droite, qui cherche à discréditer le travail parlementaire !
De plus, comment Nicolas Sarkozy ose-t-il déclarer ouvertement vouloir renforcer les droits du Parlement alors qu’avec cette réforme il bâillonne toute opposition? En effet, déposer des amendements apparaît clairement comme l’un des rares pouvoirs dans les mains de l’opposition. Certes, ces amendements peuvent paraître farfelus, voire inutiles car déposés par milliers. Cependant, ces dépôts permettent la tenue d’un vrai débat au sein d’un Parlement dont l’essence reste la discussion démocratique! Sans amendement, pas de médiatisation, pas de prise de conscience de l’opinion publique, pas de mise en difficulté de la majorité… et donc pas de projets de loi retirés.
"Il s'agit uniquement d'éviter le blocage du travail parlementaire", fait valoir M. Accoyer. Pourtant, au vue de la politique menée par notre hyper président il nous est permis d’en douter. Cette réforme ne vise-t-elle pas plutôt à museler définitivement une opposition devenue trop dérangeante pour M. Sarkozy? Ce dernier semble oublier que le travail législatif reste aux mains d’un Parlement élu démocratiquement pour représenter la volonté des citoyens et qui doit donc pouvoir s’exprimer en toute liberté sur les projets présidentiels…

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J
Je suis également ravi que des députés de qualité comme Urvoas et Dosière se soient opposés à Lefebvre dont le goût pour la gesticulation médiatique n’a d’égale que celui pour le populisme dans ses propos. Quand on constate que ses récentes inepties ont même provoqué une sortie de Balladur, on mesure le taux d’exaspération !<br /> <br /> Cependant, sur le fond, je me permets d’opposer quelques arguments contraires aux points soulevés par l’auteur du billet. <br /> En premier lieu, il est vrai que l’obstruction parlementaire est une importation de la droite française (certains députés UMP ayant d’ailleurs eu récemment l’honnêteté d’avouer s’y être adonné avec délectation sous la présidence de François Mitterrand…). Toutefois, à prendre l’histoire pour argument, on pourrait tout aussi bien constater que l’instauration dans un règlement parlementaire d’un limitation du temps de parole sous la IIIème République est issue des rangs socialistes !<br /> En effet, la limitation du temps de parole a des fondements non négligeables qu’on ne peut écarter au cri du slogan simplificateur : « on écrase nos libertés » ! <br /> D’une part, de nombreux outils parlementaires connaissent des limitations de temps, il suffit pour s’en convaincre de regarder les « questions au Gouvernement » durant lequel les présidents de séance rappellent régulièrement les orateurs au respect de l’horloge. A-t-on pour autant l’odieuse sensation d’un déni de démocratie ? <br /> D’autre part, contrairement au raccourci employé, le projet de loi organique ne bride pas le droit d’amendement mais limite seulement le temps de parole accordé aux parlementaires pour les défendre. En clair, en l’état actuel, je ne vois aucune restriction à ce que les parlementaires puissent continuer à inonder le débat de leurs avalanches d’amendement. Au demeurant, j’attends toujours qu’on me prouve en quoi une telle pratique honore les parlementaires et surtout améliore la qualité du débat : sans doute ne suis-je pas assez réceptif aux évidences. A l’inverse, je crois que le projet de loi organique a le mérite d’obliger les groupes parlementaires à établir un ordre de priorité dans la défense de leurs amendements. On peut espérer que, de cette manière, ils choisissent de prendre la parole sur ceux qui méritent quelque attention. Bref, permettre le dépôt massif d’amendement en freinant l’effet pervers qu’est la défense d’amendements folkloriques : je serai tenté d’approuver. D’autant que lorsqu’un parlementaire en arrive à décliner les thèmes les plus farfelus sur le temps de parole pour combler le temps, c’est qu’il n’a plus vraiment d’arguments raisonnables à opposer ou faire valoir : et il faudrait pourtant regretter ces moments de pur verbiage ! Étrange conception du débat parlementaire.<br /> Enfin, n’est-il pas paradoxal de s’attarder sur une limitation qui apparaît – ô combien – homéopathique à côté du vote bloqué et de la redoutée procédure dite du « 49-3 ». Le pire n’est certes pas l’excuse du mal mais il faudrait tout de même replacer la mesure dans son contexte. Et il y aurait tant à dire…<br /> <br /> En somme, je crois que le cheval de bataille qu’a décidé d’enfourcher le parti socialiste n’est pas, à mon sens, le plus judicieux : il y a tant d’autres mesures ou projets liberticides qui méritent l’attention. D’ailleurs, la vidéo qu’elle propose à ce sujet me semble largement fondée sur des exemples contre-productifs. Dire que l’absence de limitation du droit d’amendement a permis un débat sur le CPE est pour le moins paradoxal quand on sait que c’est justement ce flot immodéré d’amendements qui a poussé à la logique du « 49-3 ». De même, c’est largement dangereux de faire croire que le débat ne peut avoir lieu dans l’hémicycle que grâce au droit d’amendement. C’est ainsi faire rapidement litière des motions d’inconstitutionnalité ou référendaire, des questions préalables et naturellement des questions orales ou au Gouvernement sans parler des possibilités de débats. <br /> Je respecte éminemment les arguments avancés par les détracteurs du projet de loi organique mais je pense qu’au final, il présente plus d’avantages que d’inconvénients pour le débat parlementaire. En tout état de cause, la réforme aura eu le mérite d’engager le débat sur le travail parlementaire. <br /> Je vous prie de m'excuser pour la longueur du commentaire : il faudra peut-être songer à m'appliquer la limitation de temps de parole !
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M
Enfin un député qui a l'air de prendre au sérieux son mandat de représentation nationale !
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E
OMG !!!<br /> <br /> lire "face" à ses contradictions dans le message précédent<br /> <br /> ...
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E
Je remercie JJ Urvoas au nom de tous les gens qui attendaient depuis bien longtemps que quelqu'un mette Lefebvre fasse à ses contradictions: un homme qui parle beaucoup (trop) mais qui ne bosse pas. Il entretient simplement ses lobbys.
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G
Lefèvbre, fidèle à lui-même !<br /> <br /> Arrogant et stupide !
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