La VIè République : machin mythologique
Les Français, ou tout au moins leurs représentants, sont décidément incorrigibles !
Nous savions qu’ils étaient joueurs – le loto rapporte à
Nous découvrons aujourd’hui que la passion du chiffre mord sur le terrain constitutionnel. Et, il semblerait, chez les parieurs les plus avisés, que le 6 soit en vogue : tous les indicateurs prédictifs semblent au vert pour l’avènement d’une « VIe République »…
Plus sérieusement, les Français ne supportent pas l’idée que leur régime survive quelques années au mieux, quelques décennies au pire. Sitôt qu’une Constitution atteint un âge respectable, il s’agit d’en changer. Non pas de la réviser, dans la plus stricte logique du droit vivant et continu, mais d’en élaborer une nouvelle, en l’occurrence
Sommes nous arrivés à un point de non-retour constitutionnel – moment où, pour reprendre les mots du doyen Vedel, nous ne pourrions souffrir ni nos maux ni leurs remèdes?
Je ne le crois pas et démontrerai ici que
J’estime cependant que la situation actuelle et la crise démocratique diagnostiquée par tous méritent une réponse ambitieuse et des réformes de nos institutions – à commencer par le Parlement.
L’originalité de
Le nouveau régime accordait donc la primauté à l’exécutif au détriment du législatif.
Cet effacement a été aggravé par plusieurs phénomènes postérieurs à 1958 : l’élection présidentielle au suffrage universel direct, l’internationalisation du droit français, une certaine crise de la représentation et, plus généralement, une dévalorisation de l’activité législative sont venus minorer encore davantage une image déjà ternie, donnant ainsi naissance au thème récurrent d’un déclin du Parlement.
Je crois ce constat juste.
Pourtant, le Parlement conserve une place spécifique dans l’architecture du régime et constitue toujours une garantie démocratique de premier plan, en accord avec l’histoire du régime représentatif. Sa compétence, protégée - souvenons-nous - des empiétements du gouvernement par l’intervention du juge constitutionnel, reste non négligeable et ses pouvoirs propres n’ont que peu perdu au jeu du parlementarisme rationalisé. La rationalisation du parlementarisme a été opérée sous
Au contraire, même si les mécanismes institués selon l’approche rationalisée du parlementarisme (strict régime des parlementaires, délimitation du domaine de la loi, réorganisation des procédures budgétaires et législatives, …) demeurent dans le corps constitutionnel, ils ont perdu beaucoup de leur tranchant et se sont émoussés sous la double action de la pratique politique et de la jurisprudence constitutionnelle.
En effet, le fait majoritaire a instauré une situation dans laquelle le Parlement n’est pas contre le gouvernement mais c’est bien le gouvernement soutenu par une majorité parlementaire contre l’opposition. Dans ces conditions, chacun comprendra que l’utilisation des outils du parlementarisme rationalisé est inutile, compte tenu du peu de moyens qu’a à sa disposition l’opposition pour faire barrage à la politique gouvernementale.
Quant à l’utilisation de l’article 49-3 qui permet au gouvernement d’adopter un texte, sans passer par un vote, en engageant sa responsabilité, on constate qu’elle est totalement contre-productive. M. de Villepin l’a constaté à ses dépens au printemps 2006 : le temps gagné à l’Assemblée fut perdu dans la rue ; et le temps de la rue est autrement plus dévastateur que celui de l’hémicycle.
Aujourd’hui, les menaces pesant sur le Parlement ne trouvent plus leurs sources dans une utilisation abusive des outils du parlementarisme rationalisé.
L’internationalisation progressive du droit français, particulièrement dans le cadre de l’intégration européenne (que j’encourage de mes vœux) s’est accomplie au détriment de l’institution parlementaire. L’importance de « ces normes venues d’ailleurs » pour reprendre l’expression du doyen Carbonnier qui entrent dans l’ordre interne sans contrôle parlementaire laisse le sentiment que le Parlement s’est transformé en simple chambre d’enregistrement : un « parlement croupion » et des parlementaires « godillots »…
En outre, l’inadaptation de la fonction législative a été soulignée au regard de sa participation à l’inflation législative… C’est le thème de la dégradation de la loi, doctrine conduite en cela par le rapport du Conseil d’État de 1991 dans lequel Françoise Chandernagor évoque les lois bavardes (la « logorrhée législative »), inconsistantes : « le droit mou, le droit flou, le droit à l’état gazeux… ».
Voilà pour le constat !
Aujourd’hui, dressons le bilan des propositions.
D’un côté, les radicaux de gauche plaident pour une république présidentielle dans la proposition de loi du 31 mai 2000 : suppression du premier ministre, transferts de ses pouvoirs au Président, fin du régime de sessions parlementaires, suppression du droit de dissolution et du droit de censure, … Je ne crois pas du tout en cette idée d’une transposition, plus ou moins fidèle, du modèle américain dans le contexte politique, social et culturel français actuel ! On le sait, le régime présidentiel n’a jamais fonctionné correctement en dehors des Etats-Unis. Dans tous les pays du tiers-monde, il a pris immédiatement la forme dégénérée du « présidentialisme », c’est-à-dire à l’hypertrophie présidentielle.
D’autre part, le projet de constitution élaborée par
Or, si le chef de l’État devait être élu, à l’avenir, par les parlementaires comme le propose A. Montebourg, ne serions nous pas revenus à
Je crois en définitive que
Et, il faut reconnaître que
Certes, on ne peut pas jeter un voile pudique sur tous les problèmes que je décrivais initialement. Tout ne va pas bien, Madame
Tout d’abord, je crois que la première mesure que devront prendre les socialistes en arrivant au pouvoir sera d’interdire, catégoriquement, le cumul des mandats : le pire des fléaux. Cela pourra résorber la majorité des troubles que l’on connaît aujourd’hui. Aujourd’hui, le Parlement manque moins de pouvoirs que de parlementaires ! Les pouvoirs ne manquent pas ; la volonté opiniâtre, elle, fait cruellement défaut.
Le cumul touchait environ 35% des députés sous
Quant à l’argument spécieux qui serait de se dire plus proche des préoccupations des Français et des réalités au prétexte qu’on est maire ou conseiller régionale, il suffit de constater que chaque majorité sortante se fait invariablement battre depuis des années pour le démonter.
De plus, les exemples étrangers ne manquent pas et, je pense, qu’il serait présomptueux et faux de désigner les parlementaires français comme les meilleurs du monde uniquement parce qu’ils sont les seuls au monde à cumuler les fonctions. Le député André Santini, avec l’humour qu’on lui connaît, avait ainsi justifié son enracinement local à Issy-les-Moulineaux en soulignant qu’il avait pu proposer une loi sur les chiens dangereux à la suite d’une malheureuse affaire de morsure dans sa commune… Comme s’il fallait être élu local pour savoir que les chiens méchants, ça mord !
Non, le travail de député est un travail à plein temps : le rééquilibrage des pouvoirs en faveur du Parlement ne peut s’opérer que si le gouvernement a en face de lui 577 parlementaires, maîtrisant leurs dossiers, attendant des réponses précises et claires, n’ayant à l’esprit que l’intérêt national. C’est l’essentiel.
Pour conclure, je terminerai par une anecdote rapportée par le brillant professeur Carcassonne. En 1993, lors des éliminatoires du Championnat du Monde de football,
En 1998,
Aussi, ne désespérons pas de notre Constitution ! J’ai bon espoir qu’une équipe de gauche puisse lui rendre, en 2007, dans un contexte rénové, toute sa force démocratique pour faire gagner