De l'emploi des mots : le patriotisme n'est pas le nationalisme
Le thème de l’identité nationale a semblé ces derniers jours au cœur de la campagne. Certains ont cru bon d’y voir une frénésie voire, selon François Bayrou, une « obsession nationaliste ».
Si la proposition de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l’immigration et de l’identité nationale (sic) mérite d’être condamnée car elle opère un rapprochement douteux entre immigration et identité nationale dont nous avons déjà parlé sur ce blog, il est contestable de faire l’amalgame entre le discours de Nicolas Sarkozy et celui de Ségolène Royal.
En insistant sur la nécessité d’apprendre notre hymne national et en remarquant que dans beaucoup d’Etats, les citoyens avaient chez eux le drapeau national, Ségolène Royal aurait, selon François Bayrou, cédé à une « obsession nationaliste ».
Il est maladroit de qualifier de nationaliste une position qui relève en fait du patriotisme. La France et l’Europe savent trop bien que le nationalisme qui a détruit notre continent à deux reprises au siècle dernier procède d’un sentiment négatif et exclusif. Plus que sur la fierté d’appartenir à une nation, il s’appuie sur une volonté de domination et d’exclusive.
Le patriotisme renvoie à un sentiment d’appartenance, de fierté. Ouvert, dans l'esprit de notre candidate, à d’autres appartenances, il n’est en aucun cas exclusif. Il permet d’assurer la cohésion d’un pays. Cette fierté, elle consiste aussi à porter, comme l'a dit Ségolène Royal à Marseille, "le message universel de la France à travers le monde".
Il faut employer les mots avec prudence et ne pas jeter l’anathème avec simplisme.
Jean Jaurès disait qu’un peu d’internationalisme éloignait de la patrie mais que beaucoup d’internationalisme en rapprochait. A ceux qui verraient dans les propos de Ségolène Royal une source d’éloignement de l’Europe à la veille de l’anniversaire du traité de Rome, il convient de dire, en renversant la formule de Jaurès, que notre attachement à notre appartenance à la France n’est certainement pas incompatible avec notre volonté de construire une union politique au niveau européen. Au contraire.
Notre société a besoin de repères et c’est le sentiment d’un affaiblissement des identités qui a pu parfois conduire une partie de notre pays au rejet de l’Europe. Loin de flatter le nationalisme ou le repli identitaire, Ségolène Royal a voulu simplement rappeler la nécessité d’assurer la cohésion nationale autour de nos symboles et de nos valeurs.
Bastien Taloc