L'Occident vire-t-il à droite?

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

 

Raffaele Simone – Le Monstre doux, L'Occident vire-t-il à droite?

Edition Gallimard, paru en Italie en 2008, traduit de l'italien en 2010

Résumé

"Ce livre décrit un déclin et une ruine : en Occident, la gauche sous toutes ses formes recule et ses principes fondamentaux sont partout attaqués. Il s'agit de comprendre pourquoi cet ensemble d'objectifs politiques, que beaucoup considèrent encore comme fertiles en possibilités d'améliorer la condition humaine, sont en train de reculer, pourquoi dans tant de pays, se moderniser signifie le plus souvent aspirer à boire du Coca-Cola, à intégrer le processus de consommation dans l'opulence. Parallèlement à cette ruine, une « droite nouvelle » promet bonheur et bien-être à tous, même si elle a, en réalité, bien d'autres intérêts et objectifs. Si la droite nouvelle avance, pendant que la gauche survit péniblement, ce n'est pas seulement pour des raisons politiques: c'est parce qu'elle peut compter sur un paradigme de culture exceptionnellement attirant et affable, la culture de la modernité, en tant que système économico-idéologique total. Nous nous trouvons en présence d'une nouvelle grande forme résultant de la métamorphose de la modernité de masse, d'un Grand Bond en avant: l'avènement du « Monstre doux » dont les premiers effets sont visibles dans le délitement de la gauche, dans le changement de nature de ses idéaux et des partis dans lesquels elle s'incarne."

 


      Critique littéraire 

Dans cet ouvrage, Raffaele Simone invente une figure tout à fait intéressante, le Monstre doux, figure qui lui permet d'analyser les différents changements qui s'opèrent dans le monde occidental. Selon l'auteur, ces changements sont non seulement politiques, mais touchent aussi d'autres champs de la vie quotidienne des individus, voire tous ses champs. Simone identifie ainsi un tournant culturel fatal, qui s'affirme lentement et subrepticement dans nos sociétés : nos systèmes de valeurs sont en train de changer. Par conséquent, les idéaux prônés par la gauche ne correspondent plus à l'esprit de notre temps, focalisé sur une consommation effrénée. Cette « carnavalisation » de nos vies nous donne toutes les apparences du bonheur. Les individus ne se rendent pas compte de ce revirement et restent dans une sorte d'état second passif, semblable au divertissement pascalien« Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère et l'ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux de n'y point penser », écrit Pascal. Dans ces conditions, oui, la gauche est « out », pour reprendre les mots de Simone; alors que la droite, elle, est attirante : l'air du temps est de vivre, s'amuser sans réfléchir. La droite a su intégrer cela dans son discours, a su même le rendre plaisant, la gauche, non. Et contre un changement des mentalités, il est en effet bien difficile de lutter.

Sur ce point, je rejoins la théorie de Simone. En effet, comme nous avons pu le constater cet été, la France est restée dans une passivité étonnante face à la dérive sécuritaire très dure, voire choquante, amorcée par Nicolas Sarkozy. Un certain nombre de principes qui fondent notre démocratie et nos valeurs ont été bafoués explicitement et brutalement, et personne, à part quelques irréductibles, n'a eu l'air de s'en rendre compte. La dérive langagière de certains membres du gouvernement ne pouvait pourtant pas laisser de marbre celui qui , même en vacances, y prêtait attention. Dans leur majorité, les Français ont au contraire montré un attitude de « laissez-faire », qui a été interprétée (à tort!) par certains sondeurs comme une attitude de légitimation de ces politiques. La gauche, face à ces événements, a paru impuissante. Il est vrai qu'elle est en mal de renouveau et d'inventivité. Ses idées sont apparues faiblardes par rapport à la vigueur communicationnelle dont a fait alors preuve la droite. Et plutôt que de vigueur, parlons plutôt d'agressivité.

Mais contrairement à ce que dit l'auteur, je ne pense pas que l'Occident aille irrésistiblement à droite, ou en tout cas, pas pour des raisons qui seraient uniquement culturelles.Tout d'abord, le vieillissement généralisé des populations occidentales induit un inévitable virage à droite. La corrélation entre le vieillissement et la droitisation est un poncif qu'il ne s'agit plus aujourd'hui de contester, car admis par tous. Aussi, si l'Occident va à droite, c'est aussi en raison de facteurs structurels et démographiques. Cependant, si l'analyse du revirement culturel de Simone est intéressante, n'oublions pas qu'il a écrit ce livre en 2008. La crise n'avait pas alors pris toute son ampleur. Du moins, la conscience collective n'avait-elle pas encore intégré toutes les conséquences néfastes qu'elle avait produites. Or, la crise qui a frappé de plein fouet les économies des pays occidentaux a eu, à mon avis, un impact très fort sur les mentalités. La crise a révélé les failles criantes du capitalisme financier mondial, failles que nous avions essayé d'oublier. Nous nous sommes rappelé alors que les objectifs d'égalité et de justice étaient des absolus que nous ne pouvions plus longtemps renier. Peut-être ce point de vue est-il très optimiste, mais je pense sincèrement que les idéaux de gauche ne sont pas morts. Le malheur est peut-être que le peuple de gauche n'a pas su profiter de cette situation : il aurait dû rappeler son rôle de fier leader de ces opinions pour retrouver auprès du peuple son assise légitime. Il faut sans doute voir dans ce manque le signe de sa sclérose, mais il n'est pas encore trop tard pour changer cette trajectoire. La gauche n'est pas aussi « antinaturelle » que Simone veut bien le croire, il lui faut simplement revoir sa stratégie de communication pour rappeler à quel point ses idées au contraire sont ancrées dans notre nature d'homme et sont à la hauteur des enjeux de demain.

 

Suzanne

Publié dans Point de vue militant

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<br /> Bonjour,<br /> C'est très simple : L'occident est déjà à droite ! Malheureusement ....<br /> <br /> <br />
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