L'autre rêve de Sarkozy : faire (aussi) d'Areva une nouvelle usine à gaz
Une véritable politique de recherche des liquidités à tout prix, court-termiste voire de vente des « bijoux de famille » semble continuer et s’étendre à l’ensemble de la scène énergétique (après GDF notamment). Il faudrait maintenant privatiser ou tout au moins ouvrir le capital d’Areva. Rappelons que l’entreprise, numéro un mondial de la filière nucléaire, est détenue à près de 90% par l’Etat via notamment le CEA (Commissariat à l’Energie Atomique).
Une vieille idée de Sarkozy commence à émerger à nouveau, celle d’un rapprochement entre Areva et Alstom. Plusieurs scénarii sont possibles mais au-delà de l’hypothèse dangereuse et catastrophique d’une ouverture d’ensemble du capital Areva (c’est-à-dire y compris la filière de l’enrichissement) pour la sécurité du pays, étudions la plus « raisonnable ».
L’idée serait de rapprocher Alstom, fabricant des centrales avec la filiale Areva NP (ex Framatome), qui est détenue à 66% par Areva et à 34% par Siemens. Or, Alstom est détenue depuis 2006 à hauteur de 25% par le groupe Bouygues qui souhaite se diversifier dans d’autres secteurs, alors que l’une de ses filiales, Bouygues Télécom, accuse de sérieuses difficultés. Il s’agirait donc pour l’Etat français d’exercer son option de rachat sur les parts détenus par Siemens et de les attribuer à Alstom.
Au-delà de l’opposition évidente que cela suscite chez Siemens, on peut s’interroger sur l’intérêt stratégique d’une telle décision. Areva est déjà le leader mondial et sa force est précisément de maîtriser l’ensemble du cycle (de l’extraction du minerai à son retraitement en passant par la construction des centrales). Alors que les questions de transfert de technologie (voir de pillage) sont particulièrement sensibles, la propriété publique du capital est une garantie de la sécurité et de l'autonomie de l’entreprise nucléaire. Cette ouverture de capital qui devrait revenir à privatiser Areva NP pour que l’opération soit intéressante financièrement pour Alstom, mettrait en péril cette sécurité. En outre, si l’accès d’Areva à certains marchés est rendue difficile (notamment aux Etats-Unis) par sa soi-disant propriété publique, cette décision ne changera rien aux tentations protectionnistes des Etats-Unis. Parallèlement, alors que l’entreprise est confrontée à des difficultés aussi bien dans la mise en place de l’EPR en Finlande que dans le traitement des déchets, cela viendrait la déstabiliser au plus mauvais moment. Enfin, cette situation profiterait davantage à Alstom et à Bouygues qu’à Areva elle-même. L’Etat actionnaire a pour vocation de privilégier l’intérêt de ses entreprises avant celui des entreprises détenues par des capitaux privés… même amis du Président de la République !
Dans ce secteur stratégique, espérons en tout cas que cela donnera lieu à un véritable débat sur cette politique industrielle et énergétique qui mérite bien mieux que cette agitation et que ces décisions à l'emporte-pièce. L'intérêt d'Areva est très peu perceptible dans cette affaire et au-delà de la filière nucléaire française dans son ensemble. La recherche sur la 4ème génération doit aussi être l'une des priorités d'Areva, il s'agit d'un objectif d'intérêt public (gestion des déchets nucléaires notamment) que seuls des capitaux publics peuvent permettre d'assurer.
Les socialistes doivent ainsi dépasser une partie de leur méfiance stérile à l'égard de cette énergie et affirmer bien au contraire la volonté de la France et de l'Etat français à continuer à être les fers de lance mondiaux en la matière, en ne le bradant pas à des intérêts privés inconciliables avec les spécificités et les enjeux de la maîtrise de ces technologies.