« Fremde » au Deutsches Historisches Museum de Berlin : une exposition éclairante à l’heure du débat sur l’identité nationale
Si vous êtes de passage à Berlin d’ici à fin février, ne ratez pas l’exposition « Fremde » (« Etrangers ») au Deutsches Historisches Museum. Réalisée conjointement avec la Cité nationale de l’Histoire de l’immigration, celle-ci nous renseigne sur la relation à « l’autre » qu’ont entretenue (ou qu’entretiennent) les nations allemande et française depuis 1871.
Dans une optique comparative, l’exposition relativise à mes yeux l’opposition traditionnelle entre la conception renaniene de la nation (le fameux « plébiscite de tous les jours »), et la conception herdrienne (une langue, une mythologie historique commune, un territoire). Trois éléments le prouvent : depuis 1871 la nation française s’est montrée autant exclusive à l’égard de ses colonies que sa voisine allemande ; la nation française s’est renforcée par un antagonisme avec ses voisins – la nation allemande, elle, se construisant même sur cet antagonisme ; les tentatives d’inspiration eugéniste de justification scientifique de la supériorité de la race blanche sont venues tant de nos voisins que de nous-mêmes. Depuis longtemps dès lors, la nation française s’est caractérisée par un certain exclusivisme, à l’instar de la nation allemande.
Est-ce à dire que l’exclusion de l’étranger est constitutive de la nation française ? Est-elle un élément de l’ « identité nationale » ? Nous ne le pensons pas. Car en effet – et c’est là peut-être un élément trop négligé par l’exposition –, si la nation allemande s’est, elle, construite sur une relation exclusive à l’autre, ce n’est pas le cas de la nation française. Une simple chronologie le rend évident : la mythologie nationale et le nationalisme français ne datent pas de 1871, mais avant tout de 1790. Or, l’élément constitutif de la nation française est clair en cette Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 : c’est la « fédération » librement consentie de toutes les provinces (et derrière, de tous les citoyens) du Royaume. S’il est un élément exclusif dans la constitution de la nation française, c’est à l’égard d’un « Autre » intérieur (la noblesse, exclue de la nation lorsque le Tiers se proclame, rejoint par quelques membres du Clergé, « Assemblée nationale » le 17 juin 1789), et non d’un « Autre » étranger. D’ailleurs, l’exposition « Fremde » montre bien qu’aucun antagonisme n’existait sous la IIIe République entre une conception renaniene de la constitution de la nation, et une exclusion réelle de l’étranger, un racisme ordinaire.
Voici donc deux éléments éclairants qu’apporte cette exposition au débat sur l’identité nationale : l’exclusion de l’étranger comme dimension du nationalisme français n’est pas un élément nouveau. Pour autant, il faut se garder d’y voir un élément constitutif de notre identité nationale.
Bastien L.