L’avenir du Grand Paris remis en cause par le petit pari de Nicolas Sarkozy.
Le 7 octobre dernier, le Conseil des ministres a adopté le projet de loi relatif au Grand Paris. Il annonce principalement la création de la Société du Grand Paris (SGP) et la construction du métro automatique reliant une petite dizaine de pôles de développement franciliens. Ce projet recentralisateur est à la fois contesté par les élus locaux de gauche comme de droite et rejeté par la Mairie de Paris et le Conseil Régional d’Ile-de-France, qui proposent un projet alternatif crédible. Au regard du projet de loi, les grands discours présidentiels semblent bien loin…
Le Grand Paris de tous les Franciliens, une ambition capitale.
Lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé, dès les premiers mois de sa présidence, le retour de l’Etat aux côtés des collectivités territoriales d’Ile-de-France pour soutenir les grands projets de l’agglomération parisienne, chacun a pu -à juste titre- se réjouir. Si Paris souhaite assurer sa place parmi les grandes métropoles mondiales du XXIe siècle, les enjeux du Grand Paris sont nombreux : rapprocher Paris de ses banlieues, combler la pénurie de logements, construire les nouveaux réseaux de transports, inventer la ville de demain autour de la qualité de vie, de la mixité sociale et des enjeux écologiques, créer des pôles universitaires d’excellence, soutenir les entreprises innovantes, offrir de nouveaux débouchés économiques en reliant Paris à la Manche etc.
Des projets existent déjà, depuis des années. Leurs résultats les plus concrets et les plus récents ont été proposés dans le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) adopté par la région le 25 septembre 2008. Plus équilibré que le projet gouvernemental, son principal objectif est le rééquilibrage des moyens et des flux dans une région très hétérogène. Par ailleurs, une très large majorité des acteurs institutionnels franciliens (communes, intercommunalités, Ville de Paris, départements et région) se sont regroupés dans le syndicat mixte d’études Paris Métropole, officiellement installé le 10 juin 2009. Par conséquent, les idées et la motivation ne manquent pas !
Le volontarisme du Président de la République pouvait objectivement accélérer les choses, en organisant une vaste concertation sur les structures de gouvernance et les moyens nécessaires au développement du Grand Paris. Dans cet esprit, Nicolas Sarkozy annonçait à l’occasion de son discours du 29 avril 2009 vouloir « ajouter et non retrancher » aux projets des collectivités d’Ile-de-France. Hélas ! Son projet de Grand Paris ne fait qu’ajouter de la confusion alors que sa politique générale -nous l’avons vu encore ces derniers jours- retranche des moyens financiers cruciaux pour l’ensemble des collectivités territoriales.
Le petit pari de Nicolas Sarkozy, une décision minimale.
A la lecture du projet de loi (qui, au regard de l’affrontement entre François Fillon et Christian Blanc, ne fait même pas consensus au sein du gouvernement !), plusieurs questions interpellent. Que reste-t-il des grandes ambitions initiales ? Quels enseignements ont été tirés des visions proposées par les dix équipes d’architectes internationaux de renom ? Les acteurs actuels de l’Ile-de-France ont-ils réellement été consultés et –surtout- écoutés ?
Le projet du gouvernement est recentralisateur. Le travail des acteurs du territoire francilien et les avancées de la décentralisation depuis vingt-cinq ans sont remis en cause par la création de la Société du Grand Paris, un acteur bureaucratique supplémentaire dont les compétences vont se superposer à celles des entités déjà existantes. Les élus locaux de tous bords se sont ainsi émus de la volonté affichée par l’Etat de remettre la main sur l’aménagement du territoire traversé par le futur métro automatique. En effet, la signature de « contrats de développement territorial » donnera à l’Etat un droit de préemption sur les territoires autour des gares, aux dépens des maires !
Ce fameux projet de métro de 130 kms formant deux boucles pour relier une série de pôles de la région parisienne entre en totale contradiction avec les projets en cours. La région Ile-de-France prévoit elle aussi de nouveaux transports ambitieux comme l’Arc Express reliant les zones densément peuplées de la petite couronne ou l’extension du réseau existant avec notamment le prolongement de la ligne 14 jusqu’à Saint-Ouen pour désengorger la médiatique ligne 13.
Le projet du gouvernement concentre les moyens sur des centres d’activités déjà développés ou largement soutenus (La Défense, le plateau de Saclay, les aéroports, etc.). Deux conceptions de l’Ile-de-France s’opposent ici : renforcer les zones attractives en les reliant d’un côté, assurer un développement homogène et cohérent à tous les Franciliens en redistribuant les moyens vers les zones défavorisées de l’autre.
Une nouvelle fois, la consultation de façade organisée par Nicolas Sarkozy, la commission Balladur ou Christian Blanc n’auront abouti à aucune concertation sur le fond. Le gouvernement a choisi d’ignorer les acteurs locaux (y compris ceux de sa propre majorité !) pour mieux affaiblir les contre-pouvoirs locaux qui lui sont actuellement défavorables. Refusant d’engager les véritables réformes de la « région capitale », le gouvernement a abandonné le chantier de la gouvernance aux générations à venir. Le Grand Paris attendra.
Au départ, il y avait une grande ambition pour faire de Paris et sa région un exemple de ville mondiale post-Kyoto. A l’arrivée, nous regrettons une petite décision avant tout motivée par des intérêts politiciens. Une déception à l’image d’une grande partie des chantiers engagés par Nicolas Sarkozy depuis 2007.
Val