La mobilisation, grand défi du second tour
S’il est un parti qui a triomphé dimanche dernier, il s’agit bien de l’abstention qui a raflé la majorité absolue des inscrits dans la plupart des régions. Un tel triomphe a de quoi nous interpeler. Même largement victorieuse, la gauche ne peut fêter dignement une victoire dans de telles circonstances.
L’abstention est un message politique mais son interprétation reste difficile. S’agit-il d’un rejet massif par les électeurs de droite de la politique du gouvernement ou simplement d’un manque de mobilisation ? S’agit-il d’un rejet global de la classe politique, gauche comprise, ou du système des partis ? S’agit-il d’un désintérêt profond pour la sphère publique ou d’une méconnaissance fâcheuse ?
Il y a sûrement un peu de tout cela car l’abstention est telle qu’elle ne peut correspondre seulement à une désaffection des électeurs de droite. Mais si l’on y regarde de plus près, une série « d’affaires » politiques a véritablement ébranlé les institutions de la République.
Tout a commencé avec l’affaire Jean Sarkozy. Elle est en soi l’aboutissement du penchant autoritaire du président justifiant le rapprochement que l’on peut faire entre Sarkozy et Napoléon. Tout comme l’illustre et belliqueux empereur, le Président n’a pu réfréner son penchant népotique et a cherché à placer sa famille. Il a ainsi renforcé cette vitre de verre qui sépare les politiques de leurs électeurs, confortant la vision du monde politique comme le lieu d’une reproduction sociale sans limite.
Il y eu ensuite l’affaire de l’identité nationale. Annoncé en grande pompe, le débat était lancé par le pire personnage du gouvernement, celui qui a trahi sa famille politique pour rejoindre le camp opposé et en devenir un de ses principaux leaders. On a fait de « l’homme le plus détesté de France » selon « Marianne » le défenseur de l’identité nationale française. Le débat ne pouvait dès lors que déraper. Et il dérapa très rapidement car l’on sous-estime trop souvent le pouvoir de nuisance dans les médias et les forums de l’extrême droite. La préparation de la loi sur la burqa n’a fait qu’empirer les choses. Le débat sur l’identité nationale s’est transformé en référendum sur les musulmans en France. L’échec patent de Besson s’est matérialisé par le recadrage du Premier Ministre et l’abandon pur et simple du débat dans les médias. Entre temps le mal était fait. Les dirigeants avaient ouvert la boite de Pandore, laissant s’exprimer, non pas des opinions (rappelons que le racisme n’est pas une opinion mais un délit), mais un flot d’injures à l’encontre des minorités visibles. Certaines paroles que la politique avait réussies à tenir à l’écart de la vie publique se sont senties libérées.
Il y eu enfin une série de petites affaires et de petites phrases. Celles-ci sont venues de toute part, chacune mettant à mal à sa manière la république. La plus emblématique fut certainement l’affaire Soumaré. Elle nous a démontré qu’un noir ou qu’un jeune des banlieues avait peu de chance d’accéder à un poste de responsabilité. Pire, elle nous a révélé qu’un parti pouvait obtenir des informations confidentielles détenues par la police et la justice, ce qui est bien entendu complètement hors-la-loi.
L’Etat a donc été triplement instrumentalisé : pour mettre un membre de sa famille au pouvoir d’abord, pour gagner l’électorat de l’extrême droite ensuite, pour obtenir des informations personnelles enfin. A chaque fois l’Etat a servi des intérêts personnels au mépris de l’esprit républicain du pays.
La gauche a souffert de ces scandales à répétition. Elle aurait pu être épargnée mais l’affaire « Frêche », « Dray » et les multiples petits accrochages entre « amis » ont fragilisé l’image du PS. Le gros score de la gauche en général et la volonté affichée avant le vote du PS, des Verts et du Front de Gauche, de travailler ensemble après le premier tour a néanmoins montré qu’il est possible de s’entendre pour gagner. Une nouvelle de bon augure dans le climat actuel.
Mais le désarroi des électeurs est palpable. La droite de Sarkozy a profité de la faiblesse post 2007 de la gauche pour mettre à mal les institutions du pays, pour rendre l’indiscutable tel que l’identité nationale de nouveau discutable, et ce au plus grand bonheur de l’extrême-droite.
Les politiques ont une semaine pour inverser la tendance et pour retrouver une légitimité démocratique. La gauche doit peser de tout son poids sur le terrain comme dans les médias pour convaincre les français d’aller voter. La victoire ne pourra constituer un tournant que si elle est nette et exprime un véritable désir de changement de la part des électeurs. Tout autre scénario ne pourra qu’affaiblir la démocratie dans son ensemble.
Arnaud L.