Privatisation de la Poste : NO WAY !

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

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Bien que les média se passionnent beaucoup moins pour cette problématique que pour la réforme des soins de santé aux Etats-Unis ou les duels au sein de certains courants du PS, la perspective de privatisation de la Poste est au cœur des préoccupations des citoyens. Après une longue bataille des socialistes français au Parlement européen, suivie par la mobilisation des syndicats et de tous les partis de gauche pour la votation citoyenne, ce combat en est arrivé à ces dernières heures puisque il ne reste plus que le vote à l’Assemblée nationale pour que le projet du gouvernement, transformant la Poste en société anonyme susceptible d’être détenue par des capitaux privés, soit adopté. Mais comment en est-on arrivé là ? Quel est réellement le rôle de l’Europe dans tout cela et que peut-on encore changer ?
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Toute cette histoire commence il y a bien longtemps, au début des années 90. À cette époque le néo-libéralisme thatchérien règne sur l’Europe qui commence à s’intéresser aux services publics qui continuent d’échapper aux formidables règles du marché dérégulé. Après avoir largement avancé sur le chemin de l’Union douanière, l’objectif devient celui de l’achèvement du marché intérieur qui comprend, entre autre, la libre circulation des services. La libre concurrence devient alors le meilleur moyen de réaliser ce grand marché intérieur. Les services publics vont donc progressivement apparaître dans les traités, pour en arriver à la situation actuelle où les ‘services d’intérêt économique généraux’ ne sont plus que des exceptions aux règles de concurrences de l’article 86. Ainsi apparaissent des directives d’achèvement du marché intérieur pour chaque secteur. La dernière directive postale date de 2008 et vise à supprimer le ‘domaine réservé’ à l’opérateur qui exerce le service universel, alors qu’un système similaire est maintenu aux Etats-Unis. C’est précisément cette mesure qu’on combattu les eurodéputés socialistes français car elle prive la Poste du moyen le plus rationnel et efficace qui lui permet d’acheminer le courrier au fin fond de la France de la même manière que dans les grandes métropoles grâce à un système de solidarité entre les territoires rentables et les moins rentables ; c’est ce qu’on appelle l’écrémage. Cette directive propose d’autres modes de financement (fonds de compensation ou ‘pay or play’) qui pour reprendre la formulation de Gilles Savary se traduiront par un ‘surcoût de dépenses publiques ou un surcoût de bureaucratie’ au travers de mécanismes de contrôle des opérateurs ou de subvention d’Etat. Cette dernière possibilité est la plus inacceptable puisque ce sont les contribuables qui paieront pour l’acheminement du courrier dans les zones non rentables alors que les groupes privés capteront les agglomérations lucratives. Les profits pour quelque uns et la facture pour la collectivité ! Soyons toutefois clair : aucun texte européen n’impose le changement de statut voulu par le gouvernement français qui essaye de rejeter sa responsabilité sur Bruxelles. L’Europe impose la libéralisation, pas la privatisation.

Nous revoici donc au cœur du débat politique français. Débat dans lequel la majorité navigue à vue face une opposition unanimement bien décidée à éviter le démantèlement d’un des derniers véritables services public du pays. Personne à gauche ne nie que la Poste a besoin d’une recapitalisation pour face à la concurrence des autres entreprises postales européennes qui arriveront sur le marché français au plus tard en 2011. Toutefois la droite n’envisage cette recapitalisation que par le biais de fonds privés alors qu’il suffirait de supprimer la réduction de TVA dans la restauration pour apporter les 3 milliards de fonds publics nécessaires à la modernisation et à l’entrée sur le marché du numérique. D’autant plus qu’une recapitalisation est un investissement alors que subventionner un opérateur pour qu’il assure le service universel, c’est jeter l’argent public par les fenêtres. Aujourd’hui l’UMP fait marche arrière et nous promet que la Poste restera à 100% publique mais on nous a déjà fait le coup avec EDF-GDF et la Société Générale devrait entrer dans le capital dès que le changement de statut sera approuvé par la droite, si elle y arrive. Tout le monde bien entendu se souvient que c’est la gauche qui avait ouvert le capital de France Telecom, ce qui eu des conséquences suffisamment catastrophiques pour dégoûter tout le monde des privatisations, les socialistes en premier. Sans vouloir se débiner, ce fut une erreur monumentale, mais c’est la droite qui a désengagé l’Etat de l’entreprise de télécommunication, laissant ainsi les techniques de management s’infiltrer partout, le service se détériorer et l’entreprise devenir une des plus endettée d’Europe. Les expériences néfastes de privatisations dans les autres pays européens devraient faire réfléchir le gouvernement comme la Commission européenne, ces expériences s’accompagnent toujours de deux conséquences : la détérioration des conditions de travail, accompagnée de suppressions massives d’emploi, et une détérioration du service. Au Pays-Bas il ne restera bientôt plus un seul bureau de poste, les syndicats ont été sommé d’accepter une diminution salariale de 15% en raison de la pression concurrentielle alors que les nouveaux entrants sur le marché rivalisaient d’imagination pour embaucher leurs travailleurs dans les conditions les plus précaires et flexibles possibles. En Belgique (où l’Etat détient encore 51% de la Poste), les municipalités sont obligées d’organiser des bureaux de poste avec du personnel municipal pendant que les effectifs de la Poste fondent à vue d’œil.

C’est pourquoi la gauche réclame aujourd’hui l’organisation d’un referendum sur le changement de statut de la Poste, pour ne pas que la majorité puisse passer en force et ainsi dépouiller les citoyens d’un service qui leur appartient. Martine Aubry a raison lorsqu’elle dit que le service public c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. La Poste a une responsabilité sociale, elle relie tous les territoires de France, évite l’isolement et la désertification rurale, permet à chacun de recevoir et d’envoyer du courrier à un prix très raisonnable. Autant de considérations qui ne sont pas celles du secteur privés et qui nécessite que l’Etat s’engage à les assurer. A terme, il faudra une directive-cadre sur les services publics qui était une revendication majeure du PS pendant la campagne européenne pour protéger ces services des règles de concurrences et des évolutions de la jurisprudence. Toutefois en attendant une majorité de gauche qui permettrait de voter cette directive et de lancer des projets de services publics européens, tâchons de sauver ce modèle de service public à la française qui est une des dernière entreprises postales qui ne soit pas encore ouvertes aux capitaux privés.

 

Alexandre L.

* Cet article faisait initialement partie de la maquette de la Rose au Poing du mois décembre.

Publié dans Point de vue militant

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P
<br /> Je ne comprends pas tout :la modification du statut va se traduire par une privatisation; la libéralisation va se traduire par des pertes pour la poste (accaparement des trafics rentables par les<br /> concurrents): il faut se réjouir que les pertes soient privatisées Où est le problème ?<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Avec la dématérialisation de l'information, combien d'entre vous écrivent encore des lettres, et combien dans 10 ans? Ringards!<br /> <br /> 90% du remplissage des boites au lettres sont des pub, pas très écologique tout ça.<br /> <br /> PS: Qui livrent les paquets? de plus en plus les transporteurs privés.<br /> <br /> <br />
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