L’Afrique de grand-papa
Dans un article retentissant paru dans Le Monde en janvier dernier, le ministre d’ouverture Jean Marie Bockel s’engageait à « signer l’arrêt de mort de la Françafrique », ce système de relations néo-coloniales qui caractérise la politique africaine de la France depuis De Gaulle. Il relayait ainsi les propos tenus lors de l’affaire de l’Arche de Zoé par la Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme Rama Yade : « l’Afrique de papa, c'est fini ».
Par ce genre de vociférations, les deux sous ministres ont à nouveau démontré leurs rôles d’aimables plantes vertes dans ce gouvernement fantôme écrasé par les conseillers élyséens. En effet, les événements de février dernier au Tchad viennent à point pour nous rappeler un autre reniement de Nicolas Sarkozy, qui avait promis pendant la campagne l’avènement d’une « diplomatie des droits de l’homme ».
Le 3 février 2008, alors qu’une colonne de rebelles s’apprêtait à arracher la capitale N’Djamena au président Idriss Déby Itno, tout laisse à croire que des forces françaises du 1er régiment parachutiste d’infanterie de marine, spécialement dépêchées sur place, ont pris part aux combats qui ont tué des dizaines de civils tchadiens.
Comment expliquer ce soutien sans failles à l’un des pires dictateurs de la planète, si ce n’est par les appréciables ressources pétrolières qu’il contrôle ?
En dépit de ses idéaux passés, Bernard Kouchner vous répondra en qualifiant le régime du président Déby, issu d’un coup d’Etat sanglant en 1990, de « légitime ». Message reçu à Khartoum et Rangoon, avis aux amateurs de coups d’états dans toute l’Afrique. Même si cette affirmation a pu faire une fois de plus le bonheur des chapeliers français, c'est plutôt un profond désarroi qui règne dans les capitales européennes contributrices à l’EUFOR.
Cette mission de l’Union Européenne, composée de 3700 militaires dont 2100 français, devait se déployer ce mois-ci à l’est du Tchad (désormais sous contrôle des rebelles tchadiens), afin de sécuriser les camps de réfugiés originaires du Darfour. En étalant son parti pris pour le pouvoir tchadien, la diplomatie française saborde avant même son déploiement le plus grand effort jamais réalisé par la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) et compromet l’équilibre de la région. Non content d’isoler un peu plus la France en Europe, Sarkozy lui a aussi fait perdre la face devant l’ensemble de la communauté internationale en demandant à un autre dictateur, le colonel Kadhafi, d’utiliser les bases libyennes pour ravitailler les avions militaires engagés au Tchad.
Outre ce double constat d’échec pour notre politique étrangère, les accents méprisants du discours de Dakar, les acoquinements avec Kadhafi et désormais le soutien armé aux dictateurs africains ne font que confirmer ce qui est devenu une évidence : le fameux « co-développement » passe par les fusils et la vision sarkozyste de l’Afrique s’arrête en 1960.
L’Afrique de papa, c'est fini, bienvenue dans l’Afrique de grand papa.
Nicolas Brien