Proposition 98 : Instituer un visa permettant des aller-retour multiples sur plusieurs années
Instituer un visa permettant des aller-retour multiples sur plusieurs années, afin que les migrations s’adaptent aux besoins réels du marché du travail.
Dans cette campagne, comme souvent, l'immigration a été instrumentalisée. Certains, à commencer par Nicolas Sarkozy, voudraient nous faire croire que les immigrés ont tous les droits. Qu'il est facile d'obtenir des papiers en France. Qu'on peut bénéficier du regroupement familial très facilement, sans avoir de logement et d'emploi. Que les immigrés sont polygames. Que ce sont des profiteurs qui n'ont que des droits et si peu de devoirs. Que l'immigration coûte cher. Que notre économie peut se passer d'immigrés peu qualifiés. J'en passe. Parmi ces six propositions, il faut avoir le courage d'affronter la réalité : aucune n'est vrai. L'immigration n'est pas notre ennemie.
On ne pourra pas reprocher à cette proposition du pacte présidentiel d'être "gauchiste", et de contribuer à laisser tous les étrangers entrer en France. Non, certainement pas, et ce quoiqu'on puisse penser de tels arguments. On ne peut pas non plus lui reprocher de se servir des étrangers comme de simples outils économiques. Au contraire, cette proposition tient compte des réalités sociologiques et statistiques de l'immigration, et constitue une alternative à "l'immigration choisie", respectueuse de la dignité des immigrés. Cela sans même évoquer le droit fondamental que constitue la liberté de circulation.
Pourquoi les allers-retours ? Car la principale motivation de l'immigration reste économique. D'une part, une bonne partie des travailleurs sont prêts à venir en France pour des activités uniquement saisonnières. Dans l'état actuel des visas, il est très compliqué d'effectuer plusieurs allers-retours, d'une part parce que les visas d'un an renouvelable, qui consitutent la norme, supposent de se rendre à la préfecture régulièrement. Dans le cas (fréquent, et même devenu la norme) où la préfecture n'est pas en mesure de fournir à temps un rendez-vous à l'étranger, l'étranger obtient temporairement comme seul papier une attestation de rendez-vous, qui l'empêche de quitter le territoire. Plus généralement, l'étranger devra, la plupart du temps, attester de son logement pour voir sa situation reconduite. Dès lors, il ne peut pas se permettre de faire des allers-retours saisonniers s'il doit payer un loyer toute l'année. Enfin, il est excessivement difficile d'obtenir des visas différents plusieurs années consécutives. Une telle proposition contribue donc à lutter contre les installations de sans-papiers après qu'un visa de courte durée a expiré.
On se retrouve donc dans une situation absurde où on contraint les étrangers à recourir à l'illégalité ou à s'installer sur le territoire, et par suite à utiliser les mécanismes de regroupement familial, lors même qu'une bonne partie d'entre eux avaient vocation à rester temporairement sur le territoire. Le concept du visa avec allers-retours permettra donc aux étrangers qui n'ont pas vocation à s'installer sur le territoire de venir travailler légalement en france, puis de retourner vivre là où ils l'entendent.
On pourrait à l'inverse leur interdire ces voyages saisonniers, notamment par peur qu'ils ne tirent les salaires par le bas. Cela dit, la situation actuelle favorise surtout le travail au noir, notamment dans certains secteurs comme les collectes de fruits dans les serres, où les employeurs n'ont de toute façon pas assez de main d'oeuvre régulière à embaucher. Les visas allers-retours permettraient donc de rendre visible ces travailleurs, et par conséquent de leur donner les droits et devoirs dont ils disposent.
Enfin, il est temps de comprendre enfin que la fermeture excessive de l'espace Schengen a des effets pervers absolument désastreux, que ça soit en termes humanitaires, politiques ou économiques. Je vous renvoie sur ce point aux conclusions du réseau MigrEurop (dont le site est, soit dit en passant, une mine d'or). Une chose est certaine : on ne peut rien contre les phénomènes migratoires, qui dépassent complètement les volontés politiques des gouvernements européens. C'est une idiotie simpliste que de croire le contraire. Les politiques d'immigration françaises auront un rôle à la marge. Il est donc de notre devoir que cette politique d'immigration atténue au maximum les effets pervers de ces flux, et redonnent aux étrangers les droits et devoirs dont ils devraient disposer.
Seule inquiétude : il ne faudrait pas qu'un tel visa devienne la norme, et qu'il ne remplace les visas durables pour ceux qui le souhaitent. En matière d'immigration, toutes les situations sont différentes. Compte-tenu des valeurs historiques de gauche, en particulier de la gauche de gouvernement, il est de notre devoir d'assurer aux étrangers des conditions de vie décentes, condition sine qua non au respect entre les peuples.
Elsa