Le Grand Paris : un déni de démocratie
La question des transports a été au cœur de la campagne des dernières régionales. Valérie Pécresse, concurrente principale de Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, en avait fait son cheval de bataille. Elle accusait l’équipe sortante d’avoir été passive vis-à-vis de la rénovation des réseaux et des matériels roulants existants. Elle reprenait également à son compte le projet de « Grand Pari(s) », lancé il y a quelques mois par le Président qui a confié ce projet à Christian Blanc. La victoire de Jean-Paul Huchon, et de ses alliés, a été l’occasion d’opposer au projet de Grand Paris, un projet appelé « Arc express », bien différent du projet présidentiel. Avec cette victoire, on pensait donc le projet de Grand Paris dépassé et enterré, les franciliens ayant plébiscité le projet de la gauche, contre celui du gouvernement.
C’était sans compter sur la volonté de ce dernier de poursuivre la discussion du texte au Parlement. Après une première lecture à l’Assemblée nationale le 1er décembre 2009, c’est le Sénat qui examinera le projet à son tour le 26 avril prochain, la commission mixte paritaire devant se réunir deux jours plus tard. Comment expliquer un tel entêtement du gouvernement face à un résultat sans appel de la gauche aux régionales en Ile-de-France ? Certes, les mauvaises langues diront que le projet du Grand Paris et le projet d’Arc express n’étaient qu’une partie du projet régional des deux candidats, mais s’il y a un moment où les électeurs ont pu se prononcer sur cette question, c’est bien au moment des élections régionales ! Les parlementaires représentent les citoyens, mais à aucun moment de la campagne présidentielle et législative n’a été formulée la demande de la part de l’UMP de construire un nouveau réseau de transports en commun autour de Paris. C’est pour Jean-Paul Huchon, et le Parti socialiste, un déni de démocratie : un homme a été reconduit à ses fonctions de Président de région comme à ses fonctions de Président du Stif (Syndicat des Transports d’Ile-de-France) sur un programme clair s’agissant des transports, et le gouvernement, battu à ces élections, s’entête dans un projet que le peuple francilien rejette !
Ce projet de « Grand Paris » a été vivement combattu par la gauche en général pour plusieurs raisons. D’abord la méthode. C’est un projet issu d’en haut, de la volonté du Président, qui ne répond pas aux demandes des collectivités territoriales, et réalisé sans la consultation des élus locaux. C’est, comme le dit Cécile Duflot, un projet « digne des grands projets des années 60 », qui est « la propriété du Président de la République ». De plus, il s’oppose totalement avec les contrats Etat-région signés jusqu’ici. Le projet de Jean-Paul Huchon, Arc express, avait été officiellement approuvé par l’Etat en mars 2007 et lancé. Le financement des études et un débat public étaient ainsi inscrits au contrat de projet Etat-région de 2007-2013.
Autre problème, le financement et la date de mise en service. Le projet de Grand Paris, a un coût estimé oscillant entre 21 et 25 milliards, que l’Etat veut financer seul, ce à quoi le Stif et les collectivités locales s’opposent. Le Grand Paris est ainsi un projet issu de la volonté de l’exécutif, décidé seul, financé seul, au mépris des compétences du Stif. De plus, ce projet serait mis en service vers 2030-2035, une date absolument insupportable pour les élus et pour les usagers. A cela, la Région propose Arc express : 18 milliards finançables avec ou sans l’aide de l’Etat, pour une mise en service partielle en 2017, et une ouverture totale en 2025.
Enfin et surtout, le problème majeur de ce projet, est son incapacité à régler les problèmes actuels ! Une double boucle (grand « huit ») faisant le tour de Paris, reliant les deux aéroports et des pôles économiques ; en un mot, un projet au service des businessmen, et non des usagers ! Des plateaux technologiques spécialisés dans un domaine particulier, des quartiers populaires (notamment dans le 93) laissés une nouvelle fois sans desserte de transports rapides. On assiste là à un fantasme présidentiel, voulant faire de ces pôles des « Silicon valley » en puissance.
Aurélien S