Les discours de la non-méthode
« Rigueur, guerre, faillite… Franchement, attention ! ». Il est difficile de comprendre quel est le rôle exact, néanmoins important il paraît de Jean-Pierre Raffarin au sein de l’UMP mais il semble que le phénix du Haut-Poitou (copyright Canard enchaîné) ait été pour une fois bien inspiré dans son commentaire de l’action gouvernementale, bien loin de ces saillies primo-ministérielles ("the yes need the no...").
Coup sur coup, le gouvernement témoigne de ses limites, pour ne pas dire de ses insuffisances graves quand on prétend gouverner la France. Ce sont aussi des membres d’un gouvernement dirigés mollement par un collaborateur du Président de la République qui aux dépens de la crédibilité de la parole publique, n’hésitent pas non plus à faire des coups médiatiques pour exister.
- « Guerre » : Bernard Kouchner adore les caméras (surtout avec un sac de riz) et les coups médiatiques. En revanche, il ne supporte pas la contradiction. Après avoir déclaré très rapidement que le Charles de Gaulle devait s’apprêter à appareiller pour rejoindre les côtes iraniennes ("il faut se préparer à la guerre"), le Ministre des Affaires étrangères a passé sa semaine à expliquer piteusement qu’il ne souhaitait pas la guerre, n’avait pas déclaré ce que ces salauds de journalistes avaient retenu avant de rétropédaler devant les congressistes américains qui lui avaient déjà ramené les plans de bataille conjoints.
Surtout, c’est le Président de la République lui-même qui déclare désormais dans le New York Times : "Pour ma part, je ne prononce pas le mot guerre. (…) C’est une crise internationale qu'il faut gérer avec beaucoup de sang-froid, avec beaucoup de fermeté, mais avec beaucoup de réflexion (...) Cela ne sert à rien d'évoquer d'autres alternatives. C'est parfaitement contre-productif". La question est la suivante : y a-t-il encore une ligne téléphonique qui fonctionne entre l’Elysée et le Quai d’Orsay ? Ajoutons à cela que le chef de l’Etat a refusé que son Ministre se rende à Téhéran… ce qu’il aurait peut-être du faire avant d'ailleurs. Ces contradictions de la position française contribuent à décrédibiliser totalement notre parole sur la scène internationale. Comment pouvons-nous être crédibles dans d’autres crises internationales, notamment au Darfour, avec de tels revirements en quelques jours ?
- « Il faut en parler du nucléaire comme toute autre énergie renouvelable » (Nicolas Sarkozy, Sommet de l’ONU pour l’environnement). Décidément, Nicolas Sarkozy qui a pourtant été Ministre de l’Economie, des Finances et de… l’Industrie (avec tutelle sur Areva, le CEA…) a des problèmes avec l’énergie nucléaire. Voilà désormais qu’il s’agirait d’une énergie « renouvelable ». Au rythme de consommation actuel, les réserves d’uranium tiendront au grand maximum 80 ans… et c’est évident que le développement de la filière, que Nicolas Sarkozy souhaite étendre au monde entier, va encore rapprocher ce seuil critique. S’il ne s’agit pas de tomber dans un rejet total et stérile de l’énergie nucléaire, cette déclaration paraît d’autant plus mal à propos que le Président promet l’accès au nucléaire à "l’ensemble de l’Orient" notamment, au moment même où l’on essaie de faire comprendre à l’Iran qu’elle ne peut y accéder. Ce plaidoyer pro-nucléaire sans concessions est d'autant plus gênante que l'essentiel du message de la communauté internationale consiste à expliquer que la frontière entre usage civil et militaire est poreuse et que le risque de prolifération est évident. En d'autres termes, pourquoi Ahmadinejad ne se servirait-il pas de la déclaration française comme justification ?
- En somme, c’est bien non pas de la « faillite » d’un Etat mais de la faillite d’une équipe dont il est déjà question. Faillite compréhensible, dans la mesure où il s’agit de la même équipe présente depuis cinq ans et qui détient le bilan que l’on connaît. Mais surtout, la reconstruction médiatique à laquelle a droit M. Fillon est invraisemblable. Comment croire une seule seconde que ce discours était sensé et que l’emploi de ce mot avait été calculé, alors qu’il répondait à des questions d’agriculteurs sur l’obtention d’aides de manière impromptue ? Pourquoi ne pas relever le fait que M. Fillon, pourtant Premier ministre (ou collaborateur du Président en tout cas) confond allègrement les comptes de la Nation (qui peuvent être en déséquilibre et le sont effectivement depuis 20 ans) et le budget, toujours voté en équilibre entre les recettes et les dépenses ? Comment ne pas rappeler à M. Fillon que sur les 15 ans incriminés, la droite a été au pouvoir pendant 10 ans ! Mais attention, la France n’est par l’Argentine et la sur-dramatisation de la situation est bien calculée. Si le discours n'était pas construit, la stratégie de la droite est en revanche claire. Elle consiste à dire qu’au vu de la situation catastrophique créée par eux-mêmes, la seule solution viable serait la cassure de nos systèmes sociaux. Cela paraît proprement aberrant quand l’on est soi-même responsable du creusement de ces mêmes déficits de 15 milliards € aux profits de quelques-uns et qu’on l’assume vouloir en faire payer le plus grand nombre.
Au bout de 4 mois, le Président et ses collaborateurs sont aux abois. Au point de vue international, la voix de la France est inaudible, en raison d'une agorance spectaculaire et faute d'un minimum de doctrine cohérente. Sur le plan intérieur, la stratégie du pire est enclenchée.
C’est un devoir d’information, de mobilisation et d’organisation qui nous incombe, à nous, socialistes. Si on peut s’étonner que ces « bourdes » ne soient pas autant relayées que celles commises par certains de nos camarades, ne gâchons pas nos temps d’antenne, nos temps de parole à ressasser le passé ou alors pour rappeler le bilan de la droite. Le présent a besoin de nous !