Shadoks abîmés
Du fond ...
Il y a quelques mois, après la défaite aux législatives, le PS a mis en place un "shadow cabinet" sous la coordination de J-M. Ayrault, A. Montebourg et de P. Martin. Ayrault récuse cette appellation (est-ce parce qu’il aurait préféré celle déjà prise, de Shadok Wabinet?). Il s'agit en tous cas d'une équipe de députés (peu éléphantesques) du PS chargée de mener l'opposition non seulement en dénonçant les injustices et insuffisances de la politique gouvernementale, mais aussi de proposer des solutions alternatives.
Il y a quelques mois, après la défaite aux législatives, le PS a mis en place un "shadow cabinet" sous la coordination de J-M. Ayrault, A. Montebourg et de P. Martin. Ayrault récuse cette appellation (est-ce parce qu’il aurait préféré celle déjà prise, de Shadok Wabinet?). Il s'agit en tous cas d'une équipe de députés (peu éléphantesques) du PS chargée de mener l'opposition non seulement en dénonçant les injustices et insuffisances de la politique gouvernementale, mais aussi de proposer des solutions alternatives.
L'initiative est louable. Elle apporte même un bol d'air au fonctionnement de l'opposition, puisqu'elle est la 2e expérience de ce type en France (40 ans après la première). L'opposition socialiste pourrait ainsi, selon les mots de M. Ayrault, être "plus lisible, plus intelligible, plus efficace".
... mais trop peu d'audibilité ...
Ce cabinet fait, sans nul doute, son travail. Mais la création du shadow cabinet, ne le cachons pas, était aussi un coup médiatique pour relancer l’intérêt autour du PS après la défaite. Or, l’équipe de ce gouvernement fantôme reste très inaudible. Essayez donc de retrouver une intervention de ses membres sans faire une recherche par nom et sujet sur internet. Sans parler de la presse, où la "dynamique d'opposition nouvelle" est peu sensible.
De la même façon, les permanents du Parti font un important travail de fond, tout comme les collaborateurs des élus. L'un de ces collaborateurs était à l'honneur dans l'hebdo des socialistes de la semaine dernière. Mais leur travail est difficile à identifier pour le citoyen, même intéressé par la politique, ou le militant, même bien impliqué. Même le visionnage intégral des séances de questions au gouvernement (exercice aride s'il en est) reste peu enrichissant dès lors que l'on veut être précis, incisif, analytique et porteur de changement.
Souvent, ce qui ressort, ce sont des versions édulcorées, pastellisées, simplifiées au point de ne plus être, parfois, une argumentation mais des séries d'assertions parfois hasardeuses. L'exemple du budget est intéressant. Qui peut croire, par exemple, que la position socialiste se résume à ce que l'on peut trouver sur une page du groupe parlementaire, de l'hebdo (même s'il contient parfois des argumentaires intéressants), ou du site du parti?
Etre audible, c'est aussi disposer de canaux de communication structurés, hiérarchisés, ou chacun pourrait trouver de quoi nourrir sa réflexion, son opposition, son solutionnement des problèmes. C'est être encore plus transparents, pour conférer aux idéaux de notre parti une dynamique et un sérieux que les militants et les citoyens y cherchent trop souvent en vain, doutant alors de l'existence même de ce travail pourtant réalisé.
... faute, somme toute, de peu de chose !
Il est évident que cette approche pose d'importants problèmes.
Hiérarchisation, par exemple : internet étant un mode d’information que l’on peut nourrir lus facilement qu’un média traditionnel, comment l’utiliser ? Faut-il nourrir plus les sites des groupes parlementaires? Etoffer celui du Parti? Créer un site web du "shadow cabinet"?
Ou encore légitimité : les membres du "shadow cabinet" peuvent-ils engager le parti, ou vont-ils être (comme trop souvent au PS) soupçonnés de prêcher pour un courant? quel est le rapport entre le bureau national, le premier secrétaire, et le "1er ministre fantôme" Ayrault, ou d'autres (cf, déjà, les présidentielles de 2012)?
Sans parler de ce que d'autres partis, avec leur unité de façade, sont au moins aussi divisés que les socialistes, ou que certains disposent d'un temps de parole disproportionné en raison de leur affranchissement des pratiques. Etc.
Il est grand temps, cependant, que le PS parvienne à réellement clarifier son discours, à insister sur ce qui unit ses membres, l'essentiel, et non ce qui les divise, plus accessoire malgré parfois l'importance des divergences. Qu’il sache montrer son sérieux, son unité, sa volonté de rendre la vie des gens plus simple et plus juste.
On n'est jamais aussi bien battu que par soi-même !
Faute de quoi les raisons de fond de notre opposition continueront d’être ignorées d’un trop grand nombre de nos concitoyens. Faute de quoi nos propositions ne pourront les toucher en temps utile. Faute de quoi l’image de notre parti risque de continuer à se dégrader. Faute de quoi, aussi, nous ne pourrons, au plan national, pas espérer grand-chose de plus qu’un faux pas communicationnel de l’UMP.
« Ce n'est qu'en essayant continuellement que l'on finit par réussir. Autrement dit : plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. » Le PS sait bien que ce n’est pas vrai. Pourquoi semble-t-il pourtant se conformer à cette maxime de Shadocks abîmés suite à une tempête dans un verre d’eau électorale ?
« On n'est jamais aussi bien battu que par soi même » : la voilà, la vraie maxime à méditer chez nous.
Pendant ce temps là, le gouvernement en applique une autre : « si ça fait mal, c'est que ça fait du bien. » A qui donc ?
Néel Travers