Le Grenelle ou l'histoire d'une idée bien vite fanée

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

Dans un contexte où les divisions de la majorité, en particulier sur le dossier environnmental (récent camouflet sur le projet OGM), sont de plus en plus saillantes, la rediffusion de cet article de Florence Damiens, déjà diffusé dans le dernier numéro d'Allons voir si la rose, permet d'expliquer les raisons fondamentales de ce couac général qu'est le Grenelle de l'environnement.


On a beau être de gauche, être militant on est également citoyen.
On a beau s'engager pour des principes, des valeurs, on vise et désire avant tout le bien commun. Dès lors, lorsque le président de la République N. Sarkozy a annoncé que la question environnementale devait prendre toute sa place dans la politique française et décidait pour cela la réunion d'un « Grenelle de l'environnement »,on ne pouvait qu'espérer sa réussite. Malheureusement, le Grenelle n'a été que de la poudre aux yeux, qu'un amas de propositions floues, décevantes et peu convaincantes. Voici pourquoi.

 

Tout d'abord et avant tout, le Grenelle déçoit par son contenu même. Les journalistes auront beau s'extasier sur le processus, sur son caractère novateur, il n'en reste pas moins vrai que ses propositions sont floues ou, quand elles ne le sont pas, restent bien en deçà des exigences minimales qu'il faut avoir pour faire face aux enjeux environnementaux. Nous pouvons diviser cet amas de propositions en trois catégorie :

- la première serait celle des propositions « art du vague et du vide » qui nécessiteraient d'importantes précisions (sur leur contenu, leur organisation, leur financements -vu que les caisses de l'Etat sont vides selon le président- etc.). Ces mesures, comme la « 
Création d’une Haute autorité indépendante de médiation des conflits sur l’expertise et l’alerte », sont majoritaires et ne sont soumises à aucune contrainte, comme un calendrier de réalisation ;

- le second type de propositions est celui des propositions qui « s'auto annulent », donc non contraignantes, à l'instar d'une réduction de 50% de l'utilisation des insecticides... Si nous trouvons une technologie alternative (sûrement grâce au fantastique budget de la recherche française...). Ainsi, après les belles phrases du Grenelle, l'Etat peut sans soucis autoriser la commercialisation de l'insecticide Cruiser qui représente pourtant un danger grave pour la survie des abeilles, à la grande joie des apiculteurs français ;

- la troisième catégorie serait celle des mesures molles, en deçà des exigences. Là, les mesures sont plus précises (si on omet de considérer l'invisible budget) avec un calendrier. C'est bien. Si elles respectaient les conditions indispensables pour lutter efficacement contre les pollutions et le réchauffement climatique (en suivant par exemple rapport du GIEC) cela serait mieux. Par exemple, une des mesures phare était l'amélioration de l'isolement des bâtiments (premier émetteur de CO2 à Paris, donc avant les transports, selon le bilan carbone de la ville). Cependant, seuls les bâtiments publics et les bâtiments neufs sont véritablement concernés alors que le privé ne serait soumis qu’à de vagues « 
mécanismes incitatifs puissants ». Ainsi, dans les plans pour 2020, seraient visés seulement 20 % des les bâtiments tertiaires, 12 % des les bâtiments résidentiels et un tiers des bâtiments neufs. En réalité, il faudrait isoler au grand minimum 20% de l’ensemble des bâtiments.

 

Ainsi, dans ses propositions même, le Grenelle de l'environnement paraît déjà bien flou et bien peu réalisable. Soyons cependant indulgents et considérons que ce rapport constitue seulement la première étape. Soit, regardons alors l'étape 2: sa réalisation, sa transformation en lois et actions concrètes. Et là malheureusement, c'est pire. Deux arguments jouaient en faveur du Grenelle. Le premier était son caractère novateur, son esprit même, c'est-à-dire la capacité de réunir autour de la table différents acteurs en vue de trouver la meilleure solution possible (hommes politiques, associations, entreprises, experts etc.). Or cet esprit, un fois la vague médiatique passée, s'est retrouvé bien asséché. La suite du Grenelle se caractérise plus par un non respect et le mépris des conclusions, comme le moratoire sur les Organismes génétiquement modifiés (OGM), valide jusqu'en avril 2008 soit jusqu'au début des ensemencements (et non après). Le deuxième argument en faveur du Grenelle était son caractère éducatif,« sensibilisateur » auprès de la population. Je répondrai que, concrètement, la plupart des Français n'ont qu'une vague idée de ce qu'est le Grenelle et que son poids pèse peu face à l'image d'un président qui consomme, aime le « toujours plus » et les voyages en jet privé. 

 

Car c'est en effet cette image, ce slogan du « travailler plus pour gagner plus » comme la question actuelle du pouvoir d'achat qui nous montrent à quel point le Grenelle n'a été que vent. Le Grenelle aurait valu la peine, aurait été une véritable avancée pour la France et le monde, s'il avait provoqué un véritable débat, une véritable réflexion sur notre société suivie de mesures fortes comme la taxe carbone. Ce que nombre de nos politiques dont les membres du gouvernement n'ont pas compris c'est que l'urgence environnementale et, en particulier climatique, nécessite plus qu'un paquet de mesures floues sans budget alloué. Comment une même présidence aidée d'un même gouvernement peut-elle  juxtaposer en huit mois la question de la croissance en prônant un « travailler plus pour gagner plus pour consommer plus », la question du pouvoir d'achat et celle de l'environnement sans même poser la question de la viabilité de notre modèle? Le Grenelle ni les pouvoirs ne proposent une réflexion globale sur une refonte du système afin d'assurer une meilleure répartition des richesses tout en préservant l'environnement. C'est donc sur la base d'un « meilleur » bien être, pas nécessairement synonyme de « toujours plus », que la société doit fonder sa réflexion. Le Parti Socialiste a ici un rôle majeur à jouer en continuant à prôner une politique du progrès tout en renforçant la place de la question environnementale qui doit intervenir au centre de toute politique. L’impulsion donnée par la candidate socialiste Ségolène Royal lors des présidentielles comme la création d'un pôle écologique au sein du parti ( http://poleecologiquedups.typepad.fr) constituent une véritable chance pour le parti pour qu'il se décide définitivement à prendre le problème à bras le corps: proposer une vision différente de la société, où le collectif et le bien-être physique et moral sont placés avant la consommation individuelle, avant le plus.

 

Voilà ce que le parti peut, doit faire et fera je pense, s'il réussit sa rénovation, loin de la zappette médiatique et peu réfléchie du président et de son équipe. 

Florence Damiens

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J
@ Sharky,<br /> <br /> pas le temps de te répondre sur le thème de la paille et de l a poutre mais là c'est énorme... Quand on voit l'incurie de la majorité en place, j'ai plutôt tendance à m'inquiéter pour mon pays plutôt que de savoir pourquoi on a choisi Reims plutôt que Toulouse. <br /> <br /> Et sur le fond, tu n'as rien à dire ?
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S
Vous en êtes réduit à du recyclage?<br /> J'espère que c'est à cause de vos partiels de fin d'année ou vous buchez comme des bêtes. ;-)<br /> <br /> A moins que vous teniez des meetings et faisiez des votes comme vos ainés pour discuter de la localisation du prochain Congrès d'ou est sensé émerger la Lumière.<br /> J'ai entendu la bonne blague du PS aujourd'hui à la radio qui m'a fait halluciner comme vous je pense (j'espère!), ou ils se battent comme des chiffonniers pour savoir dans quelle ville sera tenu leur foire d'empoigne, Congrès pardon.<br /> <br /> Même la Droite la plus bête du Monde en son temps était loin d'atteindre de telles profondeurs. C'est la fosse Marianne de la politique et (feu?) la Rénovation, un temps annoncée, en est l'Everest.<br /> Aucun mollusque des profondeurs ne réussira à gravir ne serait-ce que la plage. De grâce, faites péter ce parti préhistorique, créez-en un autre et/ou faites émerger par la force des Valls avant que la Droite ne les récupère écoeurés. La France a besoin d'une opposition constructive, pas d'une bande de clowns carrieristes et égotiques qui se disputent une fraise tagada.
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