Vite, un plan de relance (des connaissances) en économie pour… le gouvernement !

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

Il y a quelques jours, au cours de l’un des énièmes discours de vœux, devant public dûment aseptisé, Nicolas Sarkozy a évoqué le fait que la filière économique et sociale était une « blague ». On comprend mieux son incapacité à comprendre les spécificités de cette filière à l’aune des bêtises économiques que les perroquets gouvernementaux assènent sur toutes les ondes. On se demande même parfois si les règles basiques de l’économie de marché, à savoir la rencontre de l’offre et de la demande, sont maîtrisées par la droite, tellement elle semble oublier cette deuxième dimension.

Reprenons, une par une, chacune de ces erreurs monumentales. 

« Ca » n’a pas fonctionné en 1981, Mâm Chabot, comme voulez-vous que ça fonctionne en 2009 ?
Il y a en réalité deux erreurs dans cette phrase. 1981 n’a pas été un échec. Mais parlons du présent. Comparer 1981 à 2009 n’a absolument aucun sens. En 1981, la relance par la demande, ajoutée à une politique volontariste de nationalisation des biens de production, a été conduite :
- Isolément, puisque les autres pays européens étaient plutôt dirigées par des gouvernements conservateurs, pour ne pas dire ultra-libéraux (Thatcher) ;
- Avec une monnaie structurellement faible, le Franc, qui a du être dévaluée à de nombreuses reprises, encourageant la spirale déflationniste.

Aujourd’hui :
- Les principales économies de l’UE ont mis en œuvre des programmes de relance par la consommation :
La Grande-Bretagne a abaissé de 1,5 point la TVA (cela coûte, à soi seul, 12,5 Mds €);
L’Allemagne a engagé un important plan de relance de 50 Mds €, après s’être rendu compte de l’insuffisance de l’appui au seul investissement ;
L’Espagne a mis en œuvre un important programme de relance de la consommation.
Et ne parlons pas des Etats-Unis, où la moitié des 800 Mds USD engagés par la nouvelle administration Obama est consacrée à la demande.

Comme le soulignent tous les économistes, y compris le Cercle Bruegel, même si elle n’est totalement coordonnée, une relance par la consommation au niveau européen (le Cercle proposait une diminution d’un point de la TVA dans l’ensemble des pays européens…) aurait tout son sens.

Le nouveau péril jaune
2ème argument censé imparable quand on évoque la nécessité de relancer la consommation : « vous allez favoriser les importations chinoises ». Tout d’abord, notons que la droite, défenseur devant l’éternel du libre-échange sans foi ni loi (le « Mââârché ») le trouve cette fois-ci bien méchant, surtout quand il est bridé. Mais surtout, notons que cet argument est totalement faux. Une erreur de débutant, un propos lors d’une soirée égayée au PMU si l’on est plus gentil.

Une étude récente menée par l’OFCE démontre deux faits simples :
- Sur 100 € dépensés par un ménage, seuls 14 € sont consacrés à des marchandises importées. Au sein de cette « manne », la proportion chinoise est certes importante, mais ramenée à sa juste proportion : 12% du total des ménages ;
- La propension à consommer des produits importés augmente avec le revenu. Autrement dit, plus un ménage est pauvre, moins il consomme de produits chinois (par exemple). Pourquoi ? Parce que les dépenses de première nécessité représentent 20% de l’ensemble de ses dépenses pour les revenus les plus faibles contre 14% pour les revenus les plus élevés.

Autrement dit, les mesures proposées par le contre-plan de relance du PS, qui concentrent une aide de 500 € aux plus bas revenus en passant notamment par la baisse d’un point de la TVA ne permettent, en aucune manière, de faire passer la croissance chinoise de 6,0000000001 % à 6,0000000002 %.

La vraie relance, celle de l’endettement ?
Relevons le culot : la droite continue à donner des leçons de déficit et d’endettement à la gauche.
Combattons l’effronterie : sans revenir sur l’histoire (tout le monde sait lire un graphique et observer les moments où les niveaux de dette et de déficit ont explosé), revenons sur le présent. Près de 4,5% du PIB de déficit sans doute fin 2009, record absolu. Un niveau d’endettement qui devrait frôler les 70% du PIB. Précisons que l’un et l’autre avaient déjà continué à augmenter en 2007 et en 2008.

Pourtant, malgré ces chiffres têtus, en l’absence même d’un véritable plan de relance (parmi les 26 Mds €, comme cela a déjà été démontré, seuls 4 à 6 Mds € correspondent à des engagements nouveaux), la cigale continue à vouloir se faire passer pour fourmi. La même qui continue, sciemment, à creuser de près de 15 Mds € par an un paquet fiscal inefficace et injuste, a fortiori en temps de crise. C’est d’ailleurs avec la même arrogance que Pébereau, largement inspirateur du plan de refinancement des banques, expliquait que la dette était « nocive »… sauf quand elle le sauve.

Le contre-plan de relance proposé par le PS créera inévitablement une augmentation de l’endettement. Mais une relance de l’investissement, nécessaire et de la consommation qui permettra de remplir le carnet de commandes des entreprises et, in fine, de récupérer fiscalement ce qui a été investi, tout en répondant à une urgence sociale.

Un effort partagé : vous n’y pensez pas ! Et si les Madoff français s’exilaient ?
Dernier argument sidérant, parmi les principaux ressassés : il serait insensé, criminel, bolchévique en un mot de penser que durant la crise, l’effort puisse être partagé par tous.
Paul Krugman, Prix Nobel d’économie, explique dans son dernier ouvrage (L’Amérique que nous voulons), l’une des principales réponses du Président Hoover (républicain), poursuivie et amplifiée par Roosevelt, après la crise de 1929… une hausse de cinq points du taux marginal d’imposition. On atteindra même, dans certains pays, une dernière tranche d’imposition sur le revenu… à 70%. Cuba ? Corée du Nord ? Non, Etats-Unis, en 1947.

Le « conservatisme de mouvement » (bien défini par Krugman) a ensuite contribué à rogner petit à petit ce compromis économique et social, jusqu’à aboutir à un système totalement renversé où les plus aisés, compte tenu du transfert de leurs revenus principaux du salaire vers des niches (parfois totalement) défiscalisées tels que les dividendes, plus-values et autres stock-options. 
Et aujourd’hui, il nous serait interdit de « copier » le marxiste-léniniste Brown ou le révolutionnaire guévariste Obama décidant, respectivement, d’augmenter de 5 points l’imposition des plus hauts revenus et de supprimer tous les cadeaux fiscaux de Bush.
Le bouclier fiscal est d’une totale indécence, encore plus aujourd’hui qu’hier. Sa suppression serait un geste salué par la quasi-totalité des Français. Et personne ne quittera la France actuellement. Ou alors avons-nous déjà oublié nos grands discours sur la lutte « sans merci » contre les paradis fiscaux ?

Tous ces éléments le démontrent, les véritables blagues sont celles que le pouvoir assène pour essayer de nous faire gober une relance recyclant quelques programmes d’investissement disparates déjà lancés. La relance de la filière économique et sociale est donc la première des urgences.

John_G
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F
URGENCE SOCIALE !!!<br /> <br /> A crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles !<br /> <br /> Constat simple : aujourd'hui, il y a pénurie des offres d'emploi, comme vous pouvez le constater sur le site Internet du Pôle Emploi : www.anpe.fr<br /> au 31/01/2009, 120 477 offres d'emploi pour 699 514 CV en ligne<br /> <br /> Mais où sont passés tous les chômeurs ?<br /> Mais où sont passés les emplois ?<br /> <br /> Quelque soit la durée de cotisation des individus, il est aujourd'hui vital que le gouvernement s'engage pour le maintien des droits, et la restitution des droits, pour tous, et ce, pour les deux ou trois années de crise qui arrivent !<br /> <br /> Suggestion : la création par le gouvernement d'un argent "social" à destination des 8 à 10 millions de personnes les plus démunies, pouvant être financé, par exemples, par une taxe sur les produits financiers des banques, par des taxes sur les marchés de taux d'intérêt...
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E
J'habite a Pekin, <br /> J'apprends tout d'abord que les gens en France sont encore dans la rue.<br /> je decouvre ensuite votre blog et je rigole de ce que j'y trouve. <br /> Continuez comme ca, vous etes parfait...
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