Rémi Féraud (I) Grand Paris, Paris Métropole : "le vrai problème, c'est le manque d'argent !"

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po


La section recevait ce jeudi 9 avril 2009 Rémi Féraud, Premier Secrétaire fédéral du PS de Paris et responsable de la campagne pour les élections européennes en Ile-de-France. La discussion s’est articulée autour de deux thèmes : les débats sur les transformations institutionnelles de l’Ile-de-France, puis la campagne européenne.

Rémi Féraud a commencé par se présenter brièvement. Maire du Xe arrondissement de Paris et Premier fédéral depuis les municipales de 2008, Rémi Féraud a soutenu la motion de Bertrand Delanoë au Congrès de Reims. Il rappelle qu’il est sorti de Sciences Po en 1994, et qu’il est très content d’y revenir pour se présenter aux militants : « C’est difficile de faire de la politique aujourd’hui, particulièrement au PS. Le parti est très différent de ce qu’il était il y a dix ou quinze ans, sans que l’on ait forcément vu ou voulu les évolutions. A la Fédé de Paris, ça marche plutôt bien, de mieux en mieux. » Rémi Féraud indique avoir été très agréablement surpris par le travail de la section Jean Zay, notamment sur le fond. « On doit travailler d’abord sur la qualité et la quantité viendra par la suite. On ne fait pas un parti de masse d’abord, sinon on n’arrivera pas à faire de la qualité. »

Paris Métropole, Grand Paris, quelles sont les propositions de la gauche ?

Etienne : Tout le monde ne vote pas à Paris dans la section, mais nous y habitons. On a vu les débats récents avec le Comité Balladur et le Syndicat mixte Paris Métropole, puis les déclarations de Nicolas Sarkozy, le plan transport francilien voté par le STIF. Edouard Balladur était à Sciences Po lundi dernier pour une conférence. Je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas suivi l’avis du Syndicat mixte Paris Métropole. Il a répondu que Paris Métropole était centré sur l’étude, alors que lui est concentré sur l’action. Qu’en penses-tu ?

RF : Tout d’abord, attention, Nicolas Sarkozy n’a pas enterré la totalité du rapport Balladur, mais seulement certaines parties. Il faudra donc être attentifs. Tous les élus de gauche comme de droite sont contre ce rapport car il ne tient pas la route sur le fond. Edouard Balladur a longtemps été élu parisien du XVe arrondissement. Il n’était pas présent au Conseil de Paris, ce n’était pas un bon élu local ! Aujourd’hui à 80 ans, il veut tout changer dans le fonctionnement des élus, mais il ne s’appliquait pas les mêmes règles à l’époque !
Le premier problème de l’Ile-de-France, c’est le manque d’argent. Le Comité Balladur veut réformer les Conseils régionaux. Aujourd’hui les CR gèrent les lycées, le développement économique. Ce n’est pas sur ces points qu’on manque le plus d’argent en Ile-de-France. Les problèmes, ce sont les transports, l’emploi, le logement. Christian Blanc ne parle que de l’économique. Or une étude internationale a montré que Paris était très attractive, même plus attractive que Londres…

Q : Si le modèle adopté était une communauté d’agglomération, Paris serait un contributeur net ?
RF : Oui bien sûr, car Paris et les Hauts-de-Seine ont le plus d’argent. Le syndicat mixte va prendre de l’ampleur. La compétence la plus importante à terme sera le logement. Le social et l’école doivent passer par l’échelle locale.

Q : Paris Métropole a été rallié par des élus de droite comme Patrick Devedjian et Jean Sarkozy. Il va rassembler ceux qui ne veulent pas changer ou contribuer au financement, est-ce un danger pour le Syndicat mixte ?
RF : Cela ne  changera pas la donne. Il n’y a pas de danger sur ce point car la gauche reste majoritaire. Après se posera la question de la personnalité à la tête de Paris Métropole. Est-ce que ce sera le Maire de Paris ? Mais le mettre à la tête d’une entité de huit millions d’habitants sera peut-être lui confier trop de pouvoir. Si ce sont deux personnes différentes, il y aura forcément un conflit entre les deux…
Et puis le dynamisme de l’Ile-de-France vient aussi de zones qui sont en dehors de Paris Métropole comme Roissy, le Plateau de Saclay, Marne-la-Vallée etc.
Le risque est qu’on ait des riches à l’ouest de Paris, des bobos à l’est et des pauvres issus de migrations dans des quartiers insalubres. Les classes moyennes et populaires sont en train de fuir Paris, comme les activités économiques. Il faut donc penser au-delà de Paris intramuros. Il faut de tout partout, c’est cela la mixité sociale. Les deux grands problèmes sont le logement et les transports. Christian Blanc n’en parle pas du tout, car les élus de droite ne veulent surtout pas entendre parler du logement social. L’attractivité économique, il faut y penser aussi, mais c’est moins grave ; la vraie richesse de l’Ile-de-France est sa population.

Q : Pour revenir sur le logement, il y a un grand débat entre densification et péremption urbaine. Quelle est ta position en temps qu’élu parisien ?
RF : Il faut densifier. Je ne suis pas le mieux placé car le Xe et le XIe sont déjà les arrondissements les plus denses. Paris est une ville petite et dense. Le manque de logements est la question principale à mes yeux. Il faut densifier dans Paris et la petite couronne, pour limiter les déplacements et par conséquent leur impact environnemental et leur coût. Il faut construire sur le 92, le 93 et le 94. Le problème est que le 92 ne veut pas construire. L’amende prévue dans la loi SRU pour les communes qui n’ont pas 20% de logements sociaux est symbolique.
En fait, avec le projet de Grand Paris, Nicolas Sarkozy souhaite surtout que l’Etat remette la main sur l’Ile-de-France.

Q : Quel est l’échelon pertinent pour les transports ?
RF : Là encore, le problème n'est pas le nombre de financeurs, mais le manque de  financements. Jusqu’en 2006, l’Etat gérait les transports franciliens. Depuis, c’est Jean-Paul Huchon qui dirige le STIF. Les problèmes sont très importants : comment désengorger la ligne 13, comment construire des rocades pour mieux répartir le trafic ? Le coût à chaque fois est gigantesque, et les décisions d’aujourd’hui n’auront d’effet que dans dix ou quinze ans. On a beaucoup construit dans le nord de Clichy et les transports n’ont pas suivi. Le vrai problème reste l’argent, et non les acteurs ou le combat droite/gauche au STIF.
Il faut attendre les annonces de Nicolas Sarkozy le 29 avril, mais il ne mettra pas beaucoup plus d’argent, car il n’en a pas plus avec un déficit annoncé à 100M€ cette année. Son projet est juste de relier Roissy, la Défense, Saclay, Orly, Marne-la-Vallée. Mais Sarkozy est loin de la réalité des usagers des transports déjà existants et il s’en moque un peu.

Q : Pourrait-on imaginer d’annexer les villes de la petite couronne, pour les contraindre à construire des logements par exemple ?
RF : Il y a beaucoup plus simple, on pourrait passer par la loi : soit en multipliant les amendes par trois pour les rendre vraiment dissuasives, soit en autorisant le préfet à se substituer au maire sur le logement. Rien de tout cela n’est proposé dans le rapport Balladur. A Paris, les arrondissements de l’ouest ne veulent pas de logements sociaux, car ils y voient autant de voix qui vont leur échapper. On est proche de la situation des années 1950 avec l’Abbé Pierre. Il manquait déjà 300 000 logements. Aujourd’hui, les jeunes ont les mêmes problèmes, ils ne sont pas propriétaires, donc ils louent petit, se mettent en collocation, déménagent loin de Paris etc. On remarque que les gens ne parlent plus que du logement dans les enquêtes qualitatives, c’est leur priorité.

Q : Où en est-on sur les tours ? Les Verts disent que ce n’est pas des constructions durables ?
RF : Les Verts sont un peu rétrogrades là-dessus. Les tours, ça permet aussi de faire des espaces verts. Il y a une déformation : Bertrand Delanoë ne veut pas faire Manhattan, il veut juste faire quelques « gestes architecturaux » sur des sites définis : la Porte de Versailles, le XIIIe sud, les Batignolles… D’ailleurs, il ne s’agit pas toujours de logement, mais aussi de bureaux. Et puis le grand débat consiste à savoir s’il faut rajouter un ou deux étages sur les immeubles existants. Sans aller jusqu’à Tokyo, les études montrent que la densification rend plus heureux, car elle apporte plus de vie et plus d’activité.

A suivre...
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V
Merci d'avoir lu dans le détail Bastien ;) En effet mes notes n'étaient pas claires à ce sujet, je vais corriger dès que possible.
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B
J'ai beaucoup apprécié les interventions de Rémi sur les grands sujets : à chaque fois, il a adopté un point de vue très concret en partant des problèmes quotidiens, le tout avec modestie...<br /> <br /> Je crois que le plus important de ce qu'il a dit sur le Grand Paris est la formule suivante : les enjeux de fond sont simples, les solutions institutionnelles opérantes beaucoup plus complexes que la fusion de 4 départements... Il a bien montré en quoi Paris métropole pouvait une boîte à outils pour des projets à géométrie variable, plus qu'un simple "syndicat d'études". Je partage entièrement cette approche.<br /> <br /> Sauf erreur de ma part, il a dit que le nombre de financeurs en matière de transports n'était pas le vrai problème mais plutôt le volume global des financements.<br /> <br /> Merci pour ce CR en tout cas...
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C
Je crois que la solution aux problèmes de transports en commun est la suivante !...<br /> (j'habite entre Mantes et les Mureaux, Yvelines, et quasiment aucune amélioration n'a été faite ni en train, bus, routes depuis 30 ans ), <br /> alors !<br /> installons non pas un seul circuit de Formule 1 seulement à Flins, mais réalisons tous les projets en compétition , et nous aurons chacun : le RER, une gare nouvelle, des parkings, des accès - autoroutes, des gares ULM, des liaisons hélico-avions et fluviales , avec des fleurs et des arbres plantés exprès tout autour !<br /> C'est tout simple et il parait d'après M. Bédier, Président du Conseil Général 78 que c'est écologique, rentable, et porteur d'emplois... Il faut vraiment un mauvais esprit pour ne pas comprendre !
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