[L'épineuse] Trop de soleil...
Il y a tout juste une semaine, à Milan, se tenait la fête du parti Popolo della Liberta lors de laquelle le Président du Conseil italien, Silvio Berlusconi, a cru bon de faire une petite plaisanterie sur le couple présidentiel de la première puissance du monde.
Ainsi, a-t-il déclaré : « De retour de Pittsburgh, je dois vous porter les salutations d’un homme qui s’appelle, qui s’appelle … attendez, … c’était quelqu’un de bronzé : Barack Obama ! ». Le « Cavaliere » aux cheveux gominés a jugé bon d’ajouter une touche subtile de la même veine visant cette fois l'épouse du Président américain : « Vous n’allez pas le croire, mais les deux sont allés à la plage ensemble, et elle aussi est bronzée ». Le Chef du Gouvernement italien est un habitué de ce genre de propos délicats. Peut-être ne se rend-il pas compte du caractère raciste des saillies dont il nous abreuve si généreusement. Cette récurrence serait due à des insolations chroniques engendrées par les UV de la brillantine qu'il passe allègrement sur sa chevelure.
En effet, n’a-t-il pas déjà qualifié à deux reprises Barack Obama de « bronzé » peu après son élection ?
La Secrétaire d'Etat Rama Yade avait trouvé l'an dernier les propos de Silvio Berlusconi déplacés et avait commenté : « Il paraît que c'est une plaisanterie. Il faudrait demander à Barack Obama si cela le fait rire. Une plaisanterie est une plaisanterie, mais si ça ne fait pas rire les gens, il faudrait peut-être arrêter. Cela ne me fait pas du tout rire. ». En s’insurgeant légitimement contre l'homme d'Etat italien, se doutait-elle que le racisme ne connaissait pas de frontière et pouvait se révéler plus contagieux que la grippe A, voire que la grippe NB dont nous avons parlé la semaine dernière ?
A-t-elle seulement imaginé qu’au sein même du gouvernement auquel elle appartient, un ministre français, certes oublié, inexistant, allait faire d’elle la victime d'une plaisanterie d'enfant de maternelle, quoique cela n'aurait même pas effleuré l'esprit des plus jeunes, élevés dans la tolérance et le respect de chacun. Bref, Henri de Raincourt, Ministre des Relations avec le Parlement, pris d'un mal de tête aigu sûrement dû au soleil du Touquet, en cette fin de mois de Septembre, a cru opportun de faire un compliment à Rama Yade, qui ne l'a pas vraiment entendu de la meilleure oreille: « Je suppose que tu es allée à la plage ! Tu as bonne mine ! Tu as pris le soleil! Tu es bronzée ! » lui a-t-il dit sur le ton le plus courtois qui puisse paraître.
En quatre phrases martelées, ce Ministre a enfin réussi à exister le temps d’une brève d’agence. Quelle victoire pour cet illustre inconnu! Faute de réaliser des actions brillantes par leur efficacité, il n'a trouvé que le moyen le plus pitoyable, méprisable de se faire connaître du grand public, user d'un humour de bas étage, sans bien évidemment se soucier des valeurs universelles d'égalité mais aussi de diversité. Triste relief ! Ainsi, se place-t-il directement dans la lignée de ses pères plus politiques que spirituels, à savoir l’ineffable Silvio Berlusconi et le gaffeur, Brice Hortefeux, notre ci-devant Ministre de l'Intérieur.
En effet, ce dernier était au cœur des conversations et même des scandales lors de l'Université d'été de l'UMP, après une réflexion faite à un militant UMP, certes, français bien sûr mais d’ascendance maghrébine, donc de nature antithétique pour lui. Il n’en fallut pas plus pour que le « jeune populaire », comme se qualifient eux-mêmes les Marie-Louise de l’UMP, se voie assener – et avec lui des millions de téléspectateurs – la belle formule humaniste que voici : « Quand il y en a un ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes ». On ne le savait pas encore mais la tolérance, l'acceptation de l'autre, admet des limites. Les rougeurs, les coups de soleil, les insolations, en un mot les bronzages loupés sont le prix à payer pour rester du côté des esprits étroits, qui essayent de nous contaminer de plus en plus.
Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, devrait y regarder de plus près et commander un stock de pommade pour soigner plaies et bosses de ces hommes trop exposés au soleil du rejet de l'autre et de crème solaire pour protéger les autres. Gageons que l’industrie pharmaceutique y trouverait, une fois de plus, bon compte à peu de frais … mais ceci relève d’un autre débat.
Sur ce, je vous quitte, chers lecteurs, et vous donne rendez-vous la semaine prochaine même blog, même rubrique!