Compte-rendu du débat du 6 mars 2007, sur le thème "Flexibilité et sécurité"
Le PS était représenté par Jacques Généreux, l’UMP par Hervé Novelli, et l’UDF par Hervé MORIN (qui n’a participé qu’à la seconde partie du débat, puisqu’il est arrivé avec près de ¾ d’heure de retard…)
Jacques Généreux :
L’intervention de Jacques Généreux a été centrée sur le constat que la flexibilité n’apportait aucune réponse au problème du chômage. La droite et le Medef affirment régulièrement que le chômage élevé en France est le résultat d’une trop grande rigidité du marché du travail. Ce faux diagnostic repose sur l’idée que là où la flexibilité serait plus grande, le chômage serait moins élevé. L’exemple soi-disant le plus révélateur de cela, c’est le Royaume-Uni (exemple repris comme un modèle merveilleux encore hier par Sarkozy dans A vous de Juger sur France 2…), les USA, et le Danemark…
Pourtant, les dernières Perspectives de l’emploi, publiées par l’OCDE, montrent que le niveau de réglementation influence très peu le taux d’emploi. En réalité, le lien de corrélation entre flexibilité et taux d’emploi est inexistant.
On présente certains pays comme plus performants (UK, USA, Danemark…), mais dans ces pays, la performance n’est pas liée à la flexibilité, mais à une diminution de la population active, et au taux de croissance :
- Aux US, la population active diminue du fait de l’existence de très nombreux « travailleurs découragés » qui ne cherchent plus de travail, et sortent donc de la population active. De même, le taux d’incarcération a littéralement explosé chez les jeunes (il est passé de 1 pour 1000 à 7 pour 1000), ce qui fait sortir de nombreux jeunes de la population active, et entraîne évidemment une baisse mécanique du chômage.
- Au Royaume-Uni, sur 2,5 millions de pensions d’invalidité, 1 million concerne en fait (et très officiellement !) des chômeurs de longue durée, qui sont donc exclu de la population active.
On constate donc que les performances en matière de chômage dans les pays soi-disant plus flexibles ne viennent pas du tout d’une plus grande dynamique en terme de création d’emploi (dynamique qui est plus grande en France qu’au Royaume-Uni), mais d’une diminution de la population active et de la croissance économique :
- Aux USA, le niveau de chômage s’explique donc aussi par une croissance qui n’a rien à voir avec la flexibilité, mais à un positionnement industriel performant, à une politique keynésienne au niveau monétaire et budgétaire, à des aides aux entreprises et aux PME.
- Dans l’UE, on a toutes les contraintes : restrictions de la politique monétaires, restrictions budgétaires…
- Au Royaume-Uni, le taux de chômage ne s’explique par non plus du tout par une flexibilisation du marché du travail, mais au contraire par l’instauration d’un vrai droit du travail (création d’un SMIC, création de postes de fonctionnaires…)
Finalement, la flexibilité, qui peut avoir des vertus en terme de concurrence internationale, n’a aucun effet sur le taux de chômage.
Hervé Novelli :
Hervé Novelli a bien sûr contesté ces réalités. Pour lui, il y a en France un important « sentiment de précarité », un « sentiment » d’un marché du travail inaccessible, et enfin le « sentiment » d’une meilleure réussite dans d’autres pays (UK, USA, Danemark pour changer).
Hervé Novelli s’interroge : pourquoi en France, les jeunes diplômés ne trouvent pas de contrat ? Pourquoi les entreprises ne veulent pas embaucher en CDI ? Elles ne veulent pas de CDI, car elles se disent que « si le jeune ne fait pas l’affaire, elle ne va pas pouvoir s’en séparer ». Il y a donc un lien évident entre emploi et licenciement (le lien en question existe, mais il me semble plutôt être négatif : comment la liberté de licencier va-t-elle créer de l’emploi ?…)
Il se fonde notamment sur une enquête qui montre que le salarié qui se sent le plus sûr en matière d’emploi, c’est l’anglais, puis le danois. Le français arrive en dernier. L’existence d’un marché et d’un code du travail très protecteur se combine donc avec un fort « sentiment » (décidément, beaucoup de sentiments… mais où sont les démonstrations fondées sur des vrais faits ?) d’insécurité. Il y aurait donc un lien inverse entre niveau de protection élevé et « sentiment » (on s’en lasse pas) de sécurité.
(N.B. : Hervé Morin, à ce moment, arrive)
Au Danemark par exemple, le contrat de travail est très souple, mais il y a un fort sentiment de sécurité, car on est assuré de trouver un emploi rapidement, et que les conventions collectives sont la norme en matière de droit du travail (alors qu’en France, on recourt trop à la loi. L’exemple emblématique étant bien sûr la « loi funeste sur les 35 heures »).
Finalement, la flexibilité n’est pas l’alpha et l’oméga, mais c’est un des côtés du « triangle magique » : souplesse du contrat de travail, sécurité du parcours professionnel, et activation du marché du travail (je ne suis pas bien sûr de savoir ce que ça veut dire)
Hervé Morin :
Petite note préliminaire : L’intervention d’Hervé Morin, quant à elle, à été certes intéressante, mais quelque peu en dehors des clous… Le terme « flexibilité » (je me permets de rappeler que c’était tout de même le sujet de la conférence), n’a pas été évoqué une seule fois… Nous avons donc eu le droit à l’exposé du programme économique de François Bayrou. H. Morin est certes arrivé à la fin des interventions de ses deux contradicteurs, ce qui explique qu’il soit intervenu un peu à côté, mais il était tout de même au courant du thème de la conférence… Par souci d’honnêteté intellectuelle, le contenu de son intervention va tout de même être évoqué ici, mais je pense qu’une question reste en suspens : quelle est donc la position de l’UDF sur la flexibilité ??
Donc pour Hervé Morin, l’essentiel de la question, ce sont les charges sociales nuisant aux salaires et à l’emploi. Comment donc financer
A terme, l’ensemble du financement de la branche famille et maladie sera assuré par une TVA sociale (et non pas la taxation du travail), par une augmentation de
En ce qui concerne le marché du travail (peut-être va-t-on arriver au sujet ?), il faut « maintenir le dispositif actuel », c’est-à-dire CDI et CDD qui permettent une certaine souplesse nécessaire, et supprimer tous les contrats d’exception.
Il faut enfin uns simplification du droit du travail, modifier les conditions de représentativité des syndicats.
Réponse de Hervé Novelli :
Sur la proposition de l’UDF de faire de nouveaux allégements de charges, on fait déjà 20 milliards d’allégement. La mondialisation a changé la donne. « Le marché du travail en France est une forteresse ». Il faut que syndicats et patronat s’emparent de la production de norme, et donc engager une réforme de la représentativité, et de la responsabilité des syndicats.
Hervé Novelli, qui a du nous quitter pour aller fêter son anniversaire, a tout de même tenu a rappeler, pour ceux qui en doutaient encore, que malgré les quelques points de divergence avec l’UDF, « Hervé Morin est solidement à droite »
Jacques Généreux :
Il précise qu’à aucun moment il n’a dit que tout allait pour le mieux en France, et que les autres pays allaient très mal. Au contraire, d’autres pays s’en sortent bien mieux, mais ce n’est en aucun cas pour une question de plus grande flexibilité. Quand on introduit la variable du taux de croissance et de la variation de la population active, on explique quasiment tout le chômage. De plus, si les danois sen sentent en sécurité, c’est que pendant 4 ans, ils sont assurés d’être payés à 90%, et le rapport de force entre syndicats et patronat est égalitaire !
La raison de la flexibilité, c’est la création de marges dans le contexte international, mais certainement pas la lutte contre le chômage.
En France, il faut notamment augmenter le rôle des syndicats. C’est la sécurité et le droit du travail qui vont permettre une flexibilité acceptable pour faire face à la mondialisation.
La réforme de la protection sociale, mais les aides sociales doivent être conditionnées à des créations d’emploi (donnant-donnant). Il faut bien sûr négocier avec les syndicats, mais ne pas interdire à la loi d’intervenir.
Enfin, en réponse à la question venant de nos amis de la responsable de l’UMP à Sciences Po, non, le Parti Socialiste n’est pas pour la « ré-étatisation » de l’économie française (quelle imagination tout de même, pour déduire des propos de Généreux qu’il a à un seul moment parlé de ré-étatisation de l’économie…)
Thomas Grégoire