Travail et héritage, deux valeurs compatibles ?
Dimanche matin. Distribution de tracts au marché. Tous les partis sont présents, j’ai donc le droit de découvrir le tract de Nicolas Sarkozy et de voir imprimées noir sur blanc quelques unes de ses propositions.
Les limites et défauts du programme de notre ministre de l’intérieur ont déjà été soulignés sur ce blog et ailleurs, c’est pourquoi je ne ferai pas ici une revue de détails de toutes les critiques qui pourraient être faites. Je me concentrerai simplement sur un point : la valeur travail défendue par Nicolas Sarkozy dès les premières lignes de son tract et l’allégement des frais de successions sont-ils compatibles ?
Bien sûr, me répondront les chantres du ministre d’Etat : une personne qui a travaillé toute sa vie doit pouvoir laisser son bien à ses héritiers, sans que l’Etat lui en spolie plus de la moitié ! Soit, mais que se passe-t-il si on renverse la perspective et qu’on regarde non plus du côté des parents mais de celui de leurs enfants ? De quel droit des personnes n’ayant jamais travaillé à la constitution d’un patrimoine auraient-elles le droit d’en hériter, voire dans les cas les plus extrêmes de vivre grâce aux rentes d’un travail qui n’a pas été le leur (et croyez moi ce genre de cas extrêmes à Sciences Po, on connaît) ?
Réduire les frais de succession, c’est augmenter les inégalités dues au seul fait de la naissance. Pour arriver à une situation similaire (posséder un logement par exemple), on demande à des individus de fournir une quantité de travail différente. Certains devraient travailler pour se payer un toit, d’autres auraient la certitude d’en hériter à la mort de leurs parents, ou plus souvent à notre époque de leurs grands parents.
On n’encourage pas le travail de la frange aisée de la population française en lui disant que parce qu’elle est née avec une cuillère en argent dans la bouche elle n’aura jamais à faire ses preuves. Comme dirait Paris Hilton « Travailler pourquoi ? J’ai les hôtels de papa ! »
En tant que militante socialiste je me sens mal à l’aise devant un tract dont le slogan pour la population la moins aisée est de l’ordre du « travail faignant », alors qu’il dit envoie un message opposé aux plus riches. Je pense que promouvoir une certaine forme de valeur travail peut se justifier, à condition que ce travail concerne l’ensemble de la population. Ce n’est pas ce que semble penser le candidat Sarkozy.
Patricia Perennes