L'identité nationale c'est la guerre
Voici un débat jeté à la foule pour la distraire des véritables questions. Alors distrayons-nous le temps d’un article, mais le temps d’un article seulement.
L’identité nationale, c’est la guerre. C’est intégrer ceux qui aiment l’identité ainsi définie, et dégager ceux qui la détestent. Pardonnez moi ce ton aux frontières du populisme et de la vulgarité. Permettez moi d’adopter des mots qui sont à la hauteur de la répugnance que cette question m’inspire.
Les gens ont peur, depuis toujours, et éternellement, les gens auront peur. Le politique peut réguler cette peur, ou bien il peut l’attiser. Dans le premier cas, il aura sans doute son motif secret, mais il pourra également s’inscrire dans une lignée de progressistes qui prétendent renforcer la solidarité entre les peuples, entre les nations. Dans le deuxième cas, le politique attise cette peur dans un intérêt personnel, et un intérêt personnel seulement. Aucune conviction ne peut justifier de jeter une telle huile sur le feu. A part celles de Jean Marie Le Pen, s’entend.
Egarons-nous pour un instant, parlons d’identité nationale. Parlons de ce que c’est que d’être français. Etre blanc, catholique, bon mangeur, acheteur de pain et fan de football. Ou alors, être beur, être chômeur, être sans diplôme, non mangeur de porc, non violent, non voilée ? Ou encore, être hongrois, avide de pouvoir, petit et marié à une top model ?
Je ne suis pas fan de la nation. Je m’en moque. J’ai cependant quitté la France pendant assez longtemps pour me rendre compte que mon pays me manquait, que j’aimais la façon de vivre à la française. J’ai également rencontré des français exilés qui détestent la France et les Français - nous serions trop râleurs. Sont-ils français eux, Monsieur le Président ?
Je n’ai pas peur, en tant que femme de gauche de parler d’identité nationale, c’est ce que j’essaie de dire. Le Parti Socialiste a payé cher le refus de traiter ces questions, mais ce n’est pas une raison pour sombrer dans le débat honteux d'aujourd’hui, au contraire, la gauche se doit de dénoncer ce débat, et d’y répondre par une analyse des vrais problèmes.
Disons-le et disons-le clairement, là où ne règne que l’écoeurante hypocrisie d'une tactique pré-électorale. L’identité nationale, c’est la guerre entre deux populations. C’est la guerre entre les discriminés, et les autres. La guerre du Français blanc, peut-être catholique, qui gagne assez d’argent pour acheter sa baguette quotidienne (ou pas) et qui a peur des jeunes qui sifflent la Marseillaise. La guerre contre le maghrébin, le noir, le non-blanc qui galère, qui même lorsqu’il est journaliste au journal Le Monde, se voit traité comme de la merde. Il ne défendra jamais la Marseillaise, parce que la Marseillaise ne le défend pas.
Là, le Français blanc ouvre le feu et vous dit : mais pourquoi la Marseillaise le défendrait d’abord ? Parce qu’il est Français, le non-blanc, mon bon Monsieur, français comme vous et moi. CITOYEN FRANÇAIS. Ce n’est pas ça la République ?
Disons-le, et disons-le clairement : pour ce gouvernement, la couleur de peau comme la religion sont des éléments de l’identité nationale. Veut-on vraiment débattre de cela ?
Disons-le, et disons-le clairement : je serais non-blanche (car peut-être - pour une meilleure compréhension de ce billet - faut-il préciser ma couleur de peau), je détesterais la France, sa République méritocratique et ses frontons de mairies, parce que Marianne n’a jamais rien fait pour moi, parce que la population me regarde toujours de travers, parce qu’à chaque étape de ma vie, j’ai galéré deux fois plus que les autres. Le Français blanc ici peut être baissera-t-il son fusil : c’est vrai que c’est pas facile la vie quand on est non-blanc.
Monsieur le Président, voici cette lettre que vous ne lirez jamais : l’identité nationale, c’est affaire d’individus. Ce qui compte, pour vous, homme politique, c’est la cohésion nationale, c’est réussir à calmer les peurs des uns et des autres, pour que chacun aime la République car elle les protège et les aide tous de façon égale. Car l’identité de la France, d’abord, ce sont ses institutions, c’est la Déclaration des Droits de l’Homme, la République !
Et on ne peut pas dire qu’elles fonctionnent aussi bien pour tous les Français, nos institutions.
Ici le Parti Socialiste a, comme souvent, un boulevard ouvert qu’on attend qu’il emprunte. Les progressistes doivent répondre à ce débat de la honte, non pas en y participant, mais en posant d’abord des principes d’avenir comme la solidarité européenne (et mondiale, plus hypothétique cependant), en parlant d’ouverture des nations sur le monde contre un repli sur nos propres questions. Et ensuite, par des mesures concrètes pour mettre fin aux ségrégations. Pas de ségrégations égale pas de problème d’identité nationale, cela semble si simple à écrire pourtant. Monsieur le Président, où sont vos plans banlieues, où sont vos promesses de lutte contre les discriminations ? Sans doute un débat est-il bien moins coûteux pour les finances publiques et bien plus juteux pour votre image. Dénoncer enfin, la manœuvre politique : pendant qu’on pense la françitude, les problèmes économiques et sociaux restent sans réponse. Il y a tant à faire, et tout ce que vous semblez faire, Monsieur le Président, c’est attiser les haines et occuper les intellectuels, pour mieux rassembler votre base électorale.
Vive la France !
M.P.