Les franchises, entre fuite du débat sur le financement de la dépendance par la solidarité et dualité des objectifs

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

Tout commençait si bien lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé des mesures en faveur de la prise en charge des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. L'annonce de la création d'une nouvelle branche de la Sécurité sociale consacrée au risque "dépendance" tranchait enfin avec la timidité des déclarations politiques passées sur le sujet. Mais les choses se sont rapidement gâtées quant aux modalités du financement de la prise en charge de ce risque : notre cher Président a, une nouvelle fois, succombé à la tentation des franchises. Outre le fait que le recours à ce mode de financement n'est certainement pas à la hauteur de l'enjeu, il contourne une nouvelle fois l'éternel débat sur les prélèvements obligatoires et le recours à la solidarité.


Un nouveau rendez-vous manqué entre la question de la dépendance et le débat sur les prélèvements obligatoires...


Face au défi du vieillissement de la population et de la dépendance qui implique de nouveaux besoins de financement, le politique n'a eu de cesse ces dernières années d'esquiver un débat pourtant essentiel : comment financer et socialiser la prise en charge de la dépendance ?

En effet, la solidarité intergénérationnelle supposera dans les années à venir des tranferts financiers substantiels au profit des personnes âgées, c'est un truisme que de l'écrire. La question du recours à la solidarité et, en somme, aux prélèvements obligatoires est donc posée.

Ou plutôt devrait-on dire qu'elle devrait être posée car le politique semble goûter très peu ce débat, très sensible sur le plan politique.

Le gouvernement Jospin, notamment, en instaurant l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) en 2002 est resté très flou sur les modalités de son financement à l'époque.
Il a d'ailleurs - avouons-le - assez largement sous-financé cette nouvelle compétence des conseils généraux qui ont été confrontés à la montée en régime rapide de cette nouvelle prestation particulièrement coûteuse. La fiscalité locale s'est donc chargée du reste...

Le gouvernement Raffarin s'est lui distingué en instaurant, suite à la canicule de 2003, une journée de solidarité dont les modalités de mise en oeuvre étaient pour le moins délicates. Les résultats de ce bricolage au goût amer pour les salariés furent très modestes. Par manque de courage, le gouvernement a donc une fois de plus cherché un cataplasme bien fragile, un pis-aller, afin de contourner la question d'une augmentation des prélèvements obligatoires afin de pourvoir au financement de la prise en charge de la dépendance.

En proposant l'instauration d'une franchise, Nicolas Sarkozy ne brille par son audace. Au lieu de recourir à la solidarité, il la contourne, évitant de nouveau un débat pourtant inévitable et mettant en péril l'égalité d'accès au soin et l'esprit de notre système de santé. Il formule par ailleurs cette proposition sans concertation aucune avec les mutuelles et sans préciser le rôle qu'elles joueront dans le dispositif (remboursement, non-remboursement ou cas par cas par "contrat").


Une dualité quant à la finalité de cette franchise : financer la dépendance ou freiner les dépenses de santé ?


On peut d'autre part souligner que notre sémillant Président propose le recours à la franchise dans un but très différent de celui assigné aux franchises au cours de sa campagne : un but de financement de la nouvelle "branche dépendance" alors qu'elle devait revêtir un caractère désincitatif et modérateur des dépenses de soins à en juger par les discours tenus au cours de sa campagne. Cette nuance est importante. Assigner deux objectifs à un même instrument (la franchise en l'occurrence) pourrait se revéler contreproductif comme l'a souvent enseigné la politique.

Nous devons nous opposer avec force à cette mesure dont les contours restent pour le moins flous et dont les effets risquent d'être désastreux pour l'égalité d'accès au soins... Une égalité déjà largement remise en cause par l'explosion des dépassements d'honoraires comme le souligne un récent rapport de l'IGAS.

Opposons-nous aux franchises et osons ouvrir enfin avec courage le débat sur le recours à la solidarité pour financer la prise en charge de la dépendance !

 

Bastien Taloc

 

Publié dans Questions de société

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J
Tartufferie,<br /> Peaceonearth a beau jeu de crier au loup chaque fois que le mot prélèvement est cité.<br /> En réqlité, c'est bien la droite qui a réduit comme peau de chagrin la structure paritaire de la protection sociale. Ce repli s'est organisé tant par la réduction des cotisations sociales au profit des employeurs ( sans effet notable sur l'activité ) que par la création d'autorités qui n'ont d'indépendantes que le nom ( réforme Douste 2004 )<br /> Le reocurs au dirigisme et à la fiscalisation est ainsi un cadeau empoisonné des gouvernements de droite.<br /> Leur réflexe pavlovien anti fisc et fonctionnaire nous rappelle lq postérité des Nicoud et autre Poujade...
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P
Le problème des socialistes ce n'est pas les questions qu'ils soulèvent, souvent pertinentes, mais plutôt les réponses qu'ils apportent : prélèvement, fonctionnarisation,...toujours le même refrain.
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