Le Modem a une ligne démocratique... à très bas débit
On glose souvent sur les investitures, les synthèses, les motions ou encore les congrès, parfois à juste titre. Mais on oublie souvent que tout cela est la condition du fonctionnement parfaitement démocratique du Parti Socialiste. Au-delà des limites évidentes de ce qui constituait une première, tout les observateurs ont d’ailleurs souligné le caractère démocratiquement incontestable des primaires organisées par le PS en novembre dernier, seul parti de France à l’avoir fait.
Face à cela, l’UMP est en progrès tout relatif, certains de ses candidats (même si cela ne leur porte pas toujours chance…) étant désormais, comme à Paris, désignés par les militants.
Vous avez dit "Mouvement" quoi déjà ?
On pouvait alors se dire, au vu de la jeunesse et de la prétendue fraîcheur qui anime celui qui se réclame comme la « seule nouvelle formation politique française », qui porte en étendard, dans son propre nom, la revendication « démocrate », qu’il fasse de même. Puisque ce parti nouvellement constitué prétend faire de la politique autrement, créer une « force politique nouvelle », qu’il le fasse en prenant le meilleur du fonctionnement d'un parti moderne !
Jean Arthuis (président du groupe UDF au Sénat) déclarait récemment qu’on ne « dirigeait pas un parti comme une secte » en visant explicitement ce qui ou est pas son parti, that’s [an other] question. Or, la façon dont le Modem vient de procéder au désignation à l’investiture des candidats aux municipales dans de nombreuses villes de France témoigne au contraire du caractère extraordinairement passéiste et anti-démocratique de sa démarche.
Dans ce qui est présenté comme une première vague d’investitures, c’est une « commission électorale nationale », composée de 12 membres, qui a procédé à la désignation de 41 têtes de listes, dont, rien que ça, la tête de liste aux municipales de Paris, bien entendu Marielle de Sarnez. Ajoutons à cela que, force politique nouvelle s’il en est, 17 candidats sur les 41 d’ores et déjà investis sont des sortants…
Outre que cette commission fédérale n’a pas de légitimité puisqu’elle n’a pas été désignée par les adhérents du Modem, elle est en contradiction avec l’exigence démocratique dont ne devrait s’affranchir aucun parti politique d’importance, d’autant plus s’il est aussi jeune que le Modem.
Alors, erreur de jeunesse ou récidive ? On se souvient à Paris de la façon dont Quitterie Delmas (voir son blog), pourtant excellentissime relais de la parole bayrouïste pendant la campagne présidentielle, avait été éjectée de l’investiture aux élections législatives dans le Xème arrondissement, le Modem préférant à la franchise de son engagement une manœuvre politicienne (la candidate finalement investie était un transfuge des Verts).
De nombreux adhérents Modem, qui en sont pour nombre d’entre-eux à leur premier engagement politique, ont réclamé l’organisation de primaires, notamment à Lyon ou à Marseille, où plusieurs candidats à l’investiture pour les municipales s’affrontent. François Bayrou a déclaré qu’il s’y « rendrait »… Pour rendre la justice divine ?
On ne peut pas comprendre qu’un mouvement politique qui se réclame comme le parangon de la modernité puisse adopter des méthodes aussi moyen-âgeuses. Cela illustre les difficultés d’un parti concentré autour de la figure d’une seule personne, dont l’anti-sarkozysme est l’unique marque de fabrique au niveau national mais qui n’hésiterait pas, au gré de ses envies princières, et sans consultation de la base, à s’allier avec des listes pourtant soutenues par… Nicolas Sarkozy.
Le droit d'ingérence démocratique
Mais qu’est-ce qu’un militant PS vient donc faire dans cette galère ? N’a-t-il pas suffisamment à faire avec la rénovation de son propre parti avant d’évoquer les problèmes des autres ?
Tout d'abord, il semble que les militants d'autres partis se sont suffissament prononcés sur l'"avenir" du PS pour que nous puissions en faire autant.
En outre et surtout, il semble que si la parole était réellement donnée à la base militante du Modem, ce serait une ligne politique claire qui se dégagerait visant certes à proposer le maximum de listes indépendantes Modem au premier tour des municipales mais témoignant de sa cohérence au deuxième tour.
Il est effectivement assez rare d’écouter des adhérents Modem encenser le pouvoir national en place. Il est aussi assez peu commun d’entendre des « démocrates » souhaiter le retour du système Chirac-Tibéri-Panafieu à Paris ou du système Perben-Millon à Lyon…
L'illusion de la schizophrénie UMP
L’ « ouverture » fallacieuse menée par Nicolas Sarkozy a déjà suffisamment brouillé inutilement les cartes du jeu politique national transformé en théâtre des ambitions pour que cela ne se reproduise pas au niveau local. Il faut ajouter à cela que la trop forte « concentration des pouvoirs » dénoncée y compris par François Bayrou serait encore renforcée avec des maires UMP.
Comme le disait justement Azouz Begag pour Lyon, les villes, les départements (n’oublions pas les cantonales) sont désormais dotés de compétences qui leur permettent dans de nombreux domaines (éducation, insertion, logement…) de remédier aux politiques désastreuses menées par la majorité au pouvoir. Sans n'être que des laboratoires "anti-Sarkozy", ces collectivités territoriales pouraient toutefois éviter de n'être que des laboratoires pro-UMP. Comment imaginer qu’un élu UMP soit d’accord au niveau national avec une forme de politique qu’il ne mettrait pas en œuvre dans sa propre collectivité ?
En privant ainsi les jeunes adhérents au Modem de leur expression démocratique, de leur liberté (pourtant deux notions particulièrement revendiquées par eux), François Bayrou continue à ne dessiner qu’une seule perspective… la sienne.
Adhérents du Modem, un parti jeune, peu suspect de devoir encore ménager les susceptibilités d’édiles locaux, qui réclame en outre une « nouvelle voie », doit avoir cette exigence, cette cohérence. Soyez libres, soyez démocrates !