Chronique: "Ah, Internet, je déteste..." (3)

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

... hurlait Rachida Dati à la lecture du blog de Maître Eolas il y a de cela quelques jours. Partant du principe que les ennemis de nos ennemis sont nos amis et du fait que le Journal d'un avocat est un blog passionnant, Thomas B. vous propose un petit tour - forcément partial et forcément incomplet - d'une iniative remarquable et remarquée sur le web lors de la semaine écoulée. Enjoy !


« Ah Internet je déteste » s'est échappé cette semaine du secrétariat d'Etat à la famille pour élire domicile Place Vendôme. Et pour cause ! Après les manifestations anti-dati sur les marches de palais de Justice de France et de Navarre, c'est d'Internet et de Maitre Eolas qu'est venu l'hallali. Baptisé pour l'occasion Journal des magistrats en colère, son blog s'est fait le relais de la contestation contre la politique judiciaire de la garde des Sceaux. Quelques chiffres pour illustrer l'ampleur de cette initiative remarquable: 66 contributions extérieures, venues de l'ensemble du monde judiciaire (magistrats en grande majorité, surveillants pénitentiaires, Conseillers d'Insertion et Probation, greffiers), 53 000 visites dans la journée ...


Autant vous dire qu'en 66 posts, la garde de Sceaux et le président de la République, lecteurs assidus de l'ouvrage « La démagogie pénale pour les nuls » et praticiens reconnus de son article premier « un fait divers = une loi », en prennent pour leur grade . Petit florilège ...

Manque de moyens, surpopulation et insalubrité carcérale, chroniques d'un quotidien difficile, la justice française va mal et ce n'est pas nouveau. Mais au-dela de ses difficultés malheureusement structurelles, ce qui m'a frappé à la lecture de ces témoignages, c'est la force avec laquelle l'orientation politique menée depuis le 6 mai 2007 est conspuée, condamnée, dénoncée, critiquée ...


« Des juges ayant travaillé des années,

Se trouvèrent fort dépourvus

Quand une ministre fut promue.

Plus une seule réforme claire,

Réfléchie et cohérente. »


Ce qui pose problème pour les cigales magistrates dans la politique de la fourmi Dati, c'est d'abord la réforme de la carte judiciaire, brouillonne et mal exécutée, qui sonne le glas de la justice de proximité.


C'est ensuite les pressions exercées par le pouvoir politique sur le pouvoir judiciaire, ce détestable populisme qui met la statistique avant l'humain, celle qui pousse à « décider de plus en plus vite, si possible avant le journal de 20 heures, communiquer, montrer de la compassion à l’égard des victimes,[et] rendre toujours la décision attendue par l’opinion publique ». Cette politique a trouvé son aboutissement dans la réforme dite « des peines planchers », réforme assortie très vite, d'un véritable flicage destiné à étancher la soif de chiffres de la ministre. Flicage ? N'est-ce pas un mot trop fort pour désigner de simples fiches de rapport ? Non, trois fois non: « Sur cette fiche, il n'y avait pas de case pour expliquer pourquoi il était juste, et parfaitement légal, de prononcer une peine inférieure au plancher en raison des faits ou de la personnalité de l'auteur. »


C'est enfin, ces changements de pieds politiques qui épousent parfaitement le moindre fait divers pour mieux coller à l'ouverture des JT. Un suicide de mineur en prison, Abracadabra, Mme Dati vante l'alternance à la détention, celle-là même qu'elle traque froidement lorsque le mineur en question n'est encore qu'un chiffre de plus dans la colonne "application du dispositif de peines planchers". Même lorsqu'un fait divers ne vient pas contredire la ministre, ces circulaires d'application s'en chargent et « "invitent" à privilégier autant que possible les aménagements de peine (pour être plus clair, la sortie de détention) ».

 

Les témoignages recueillis par Maître Eolas ne sont peut-être pas représentatifs, ceux que j'ai selectionné le sont encore moins. Il n'empêche, si des magistrates, un surveillant pénitentiaire ou encore un CIP ont pris la peine de témoigner, c'est que la colère est bien réelle.
C'est parce que Mme Dati porte, avec Brice Hortefeux, le pire du quinquennat que nous sommes en train de vivre.


« Pour dire que la justice mérite mieux, beaucoup mieux. Que pour l'améliorer, il ne faut pas une gouvernance fondée sur le mépris et la démagogie, l'ignorance des causes et la désignation facile de boucs-émissaires.

Pour dire que la justice a besoin de juges qualifiés, outillés, disponibles. Et respectés.»


Il fallait bien cette initiative réussie, passionnante et constructive de la part du Journal d'un avocat.


Il fallait bien, au minimum une chronique entière pour en rendre compte.


Thomas B.

Publié dans Point de vue militant

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L
Très bon début de commentaire Etienne, je lirais la suite demain .
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E
Oui j'imagine que tu as l'habitude de procéder ainsi avant de voter lors des élections
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L
Très bon texte même si je ne l'ai pas lu
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E
Tu changes de genre littéraire à chaque chronique, un peu comme pour le bac français?<br /> <br /> La semaine prochaine ce sera en alexandrin? ;-)
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K
Bonjour ,<br /> des analyses et vidéo intéressantes sur : <br /> http://capagauche.over-blog.fr/
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