Sarkozy n'est jamais devenu chef de l'Etat

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

Régulièrement, je rencontre des difficultés à remplacer le nom de Sarkozy par sa fonction. J'ai du mal à le dire mais sans doute encore davantage à l'écrire. Pourtant, légaliste total, il ne m'est jamais venu à l'esprit de contester la rigueur démocratique (si l'on excepte la question des media) de l'élection de Sarkozy (ça y est, je commence !). Dans ma courte expérience politique, malgré des désaccords profonds avec la personne concernée, je ne me rappelle pas avoir de pareilles difficultés avec le précédent titulaire du poste, comme je n'ai pas de mal à remplacer Fillon par « Premier ministre ».

 

Aujourd'hui, en écoutant la personne considérée lors de son discours-meeting de Rethel, j'ai compris. Sarkozy n'est jamais devenu chef de l'Etat.

 

Il était de bon ton, dans l'ensemble de la presse de dire que des allers retours Moscou-Tbilissi à la crise financière ajoutés à une pincée de déblingblingisation (contrainte), Sarkozy avait gagné ses galons de Président, s'était « présidentialisé ». L'onction lui avait été donnée généreusement par tout ce que Paris compte d'éditorialistes multi-tâches (Christophe Barbier, Franz-Olivier Giesbert, Jean-Marie Colombani etc.) et avouons que certains de nos camarades sont également tombés dans le panneau. Osiez-vous ne serait-ce qu'un peu nuancer le constat que vous étiez catalogués comme un anti-sarkozyste pavlovo-gauchisant bavant sa frustration face à tant de génie déployé.

 

Au-delà de sa mainmise avérée sur le moindre boulon à changer à l'UMP, Sarkozy n'a jamais réussi à s'extraire de la défense de son camp. La situation a même évolué en sens inverse de ce que la doxa médiatique veut nous inculquer. Plus on avance, plus Sarkozy s'éloigne de son rôle de chef de l'Etat. C'est une question de discours politique tout d'abord, orientée vers les petites piques partisanes. C'est ensuite une question de communication politique, loin de ses frasques personnelles, orientée vers la satisfaction du seul militant.

 

Motion Sarkozy : pour la décroissance... du socialisme.

 

Afin d'analyser ce rapport au discours politique, revenons au discours de Rethel, un modèle du genre. Au cours d'une intervention très décousue, sans fil directeur (mais comment en avoir un, quand certaines des mesures mises en œuvre contredisent tout ce qui a été fait depuis un an et demi ?), Sarkozy n'a pas pu s'empêcher de faire une référence, sur un mode ouvertement polémique, à Lionel Jospin, en le qualifiant de « revenant ». Il faisait référence aux propos de l'ancien Premier ministre sur les réponses sarkozystes (et surtout ses prétentions impérialistes) à la crise et les réactions plus que mitigées que cela a suscité chez nos partenaires européens.


Ces petites allusions mesquines et totalement inutiles, Sarkozy n'en est évidemment pas à sa première. C'est même sans doute le premier président du Conseil en exercice de l'UE (en dehors de Berlusconi peut-être...) qui s'est transformé en chef de l'UMP au sein de l'hémicycle européen. A une question de Martin Schulz (président du groupe PSE au Parlement européen) qui le tançait vertement sur les « erreurs commises par les conservateurs [dont Sarkozy fait partie] et qui ont abouti à cette situation », Sarkozy a répondu par une basse attaque politicarde en vantant les mérites de Martin Schulz face au prétendu « archaïsme » des socialistes français.  Il a même commenté le Congrès de Reims en rajoutant « Dans le schisme socialiste je choisis Martin Schulz sans regret ». Cette obstination lui a d'ailleurs valu une réponse vigoureuse et savoureuse de Martin Schulz qui a déclaré : « Si j'avais su que je m'adressais au président de la République française, je peux vous assurer que mon discours (aurait été) totalement différent parce qu'il n'y a pas de différence entre mes camarades socialistes français et moi ».

 

Cette phrase démontre parfaitement ce qu'est Sarkozy. Comme il a dit à François Hollande dans l'avion au retour du Liban, l'un des seuls objectifs sûrs de sa Présidence est de « niquer » le PS, quoiqu'il arrive. Au passage, parfois, on se demande si certains ne sont pas consentants...

 

Les exemples seraient encore légion (rappelons simplement, dès l'université d'été du MEDEF en août 2007, le « DRH » du PS), mais ceux-ci, très récents, témoignent de l'intensification et de la répétition de ces remarques purement politiciennes qui ont émaillé l'actualité récemment. Mais cela se vérifie désormais dans les moindres détails de la communication sarkozyenne, actuels et à venir.

 

Rationalisation budgétaire : fusionner le siège de l'UMP (rue du Faubourg Saint-Honoré) et sa succursale rue de la Boétie.

 

Cela n'a plus l'air de choquer personne mais il est désormais acquis que lorsque le (tout de même) chef de l'Etat français fait des discours aussi importants que sa vision de l'une des plus importantes crises financières jamais connues, il le prononce devant... des militants encartés à l'UMP ! A Toulon comme à Rethel, ce n'étaient donc pas des citoyens à qui il s'adressait mais à des militants politiques. De la même façon, Sarkozy a été présent à tous les Conseils nationaux de son parti (on avait simplement retiré le logo) et cela ne fait même plus le début du commencement d'une critique.

 

Depuis 5 mois, alors qu'il en faisait une tous les mois dans les premiers temps de son mandat, Sarkozy n'a plus fait une intervention télévisée où des journalistes pourraient vraiment l'interroger. Des conférences de presse, avec éventuellement 3 ou 4 questions mais pas une seule longue plage (en dehors des ses discours « de campagne ») où des journalistes peuvent le mettre face à ses contradictions, casser le rythme de la logorrhée.

 

Cette communication politique est poussée jusqu'à son paroxysme ridicule avec la proposition invraisemblable de Thierry Saussez (le communiquant attitré du gouvernement) qui propose ni plus ni moins une émission de « présentation » de la politique gouvernementale sur une chaîne publique et sans doute à 20h30. Sarkozy tente de supprimer la publicité privée pour lui substituer une publicité « publique », autrement dit gouvernementale.

 

Cette incapacité plus forte que jamais à devenir le Président de tous les Français, à changer de registre de parole par rapport à la campagne électorale qui s'est achevée il y a un an et demi, n'a que peu de choses à voir avec les actuels poncifs (quinquennat, zapping médiatique). Elle est à mettre en relation avec l'improbable attelage que constitue le sarkozysme, y compris pour la droite française, entre bonapartisme et absence total de sens de l'Etat, qui se retrouvent aussi bien dans la pratique du pouvoir que dans les mesures prises. On espère aussi que Oliver Stone pourra faire un film à propos de ce qui restera comme une parenthèse triste mais improbable... dès 2012 !

 

John_G

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L
Vous qualifiez de "basse attaque politicarde" la référence de M. Sarkozy sur l'état actuel du PS en France. Il est vrai que le Parlement européen n'est pas l'endroit où le Président (et d'ailleurs n'importe quel homme politique) peut se permettre ce genre de remarque, a fortiori si ce même Parlement se réunit pour débattre de la crise financière... C'est, je crois, ce que vous reprochez à M. Sarkozy entre les lignes : attaquer le PS par des remarques ou des petites phrases alors qu'il y a actuellement des sujets beaucoup plus importants qui doivent être analysés.<br /> Or, j'ai beau lire attentivement les journaux et suivre l'actualité chaque jours, ce n'est pas sur une politique visant à faire avancer le débat que le PS se base, mais bien sur des attaques à l'encontre de M. Sarkozy et de son gouvernement au sujet de sa personnalité ou de la politique menée actuellement. <br /> Ainsi, ces "piques" que s'envoient le Président de la République et le PS ne servent pas à faire avancer le débat, mais continuent à alimenter les rancœurs partisanes qui ne mènent à rien...
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G
Ah oui, j'imagine très bien la bande annonce: "après W. voici S. le récit d'un naufrage ump annoncé"... Allo Oliver ?<br /> <br /> Mais pour être plus sérieux, le "machin" de Saussez promet d'être scandaleux: non seulement c'est du Brejnev, mais en plus ça va coûter cher ! Vous me direz, en temps de crise...
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S
@ John le retour (et il est toujours pas content!)<br /> <br /> So what? A part ce petit jet de bile gratuit.<br /> C'est la place de Besancenot et il le fait bien mieux que vous. Les militants, que dis-je les français, quand on aspire à avoir les rènes, sont en droit d'attendre autre chose du PS, à moins que ce dernier n'ait que ça à offrir.<br /> <br /> Vivement le Congrès, que l'on puisse rigoler, et l'après Congrès pour rire encore plus fort, faute de pleurer.
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L
..oui en effet , la première photo illustre bien que Sarko n'est pas à la hauteur.
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C
...très bel article!
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