Beaucoup de bruit pour rien

Publié le par Section socialiste de Sciences-Po

Depuis quelques jours, après son périple maltais et son orientation « droite décomplexée » durant la campagne, Nicolas Sarkozy veut nous faire croire à l’ouverture, à « son » ouverture (parce que très peu de ses amis en veulent !). Décidément, il change beaucoup ce petit !

Bref rappel pour tous ceux qui étaient en voyage sur un yacht privé de tout moyen de communication. Nicolas Sarkozy, dans la formation de son gouvernement « paritaire », envisagerait d’inviter des personnalités issues de la gauche. Qui, à gauche, en particulier dans le parti des « fraudeurs et des voleurs » ou des tenants de la « faillite morale de Mai 68 » a tout de même les faveurs de Nicolas Sarkozy pour appliquer son programme ?

 

Bernard Kouchner. Commençons par les faits : en octobre 2006, Bernard Kouchner avait déclaré qu’il n’aurait pas de mal à faire partie d’un gouvernement d’ « union nationale » (avec B. Kouchner, nous sommes un peu tout le temps en guerre…) autour de Nicolas Sarkozy. Après une élection aussi clivée, où le rejet de Nicolas Sarkozy a été très nette dans une partie de la population (même s’il a gagné), on ne voit vraiment pas où Bernard Kouchner perçoit de l’ « unité nationale ». Surtout, Bernard Kouchner n’est pas resté neutre pendant cette campagne. Il a fait ostensiblement campagne pour Ségolène Royal, alors que rien ne l’y obligeait (il n’est pas élu socialiste, et n'a adhéré qu'en 1998 - soit longtemps apres avoir été sur la liste Rocard aux européennes) et a vivement critiqué Nicolas Sarkozy en se déclarant hostile à l’ « extrême-droitisation » de son discours. Il pensait même que le meilleur « rempart contre Sarkozy » serait l’union entre le PS et le centre de M. Bayrou.

S’il veut vraiment le placer à la tête du Quai d’Orsay, Nicolas Sarkozy se déjuge à nouveau sur la question irakienne. M. Kouchner était effectivement l’un des plus chauds partisans de l’intervention américaine en Irak et il ne cesse de le répéter à chacune de ses interventions.

Hubert Védrine. M. Védrine est membre du PS, il a été secrétaire général de l’Elysée et ministre des Affaires étrangères. Un bon Ministre des Affaires étrangères dans l’absolu, un excellent Ministre des affaires étrangères en comparaison de M. Douste-Blazy. M. Védrine a fourni de nombreuses fiches à Ségolène Royal durant la campagne pour contrer M. Sarkozy, il a participé à de nombreux meetings, à de nombreux débats où il a notamment défendu le bilan du voyage de Ségolène Royal au Moyen-Orient. Sur cette dernière question, sur l’Europe, sur la relation transatlantique (la question de l’OTAN notamment), Hubert Védrine défend des propositions fondamentalement différentes de celles de M. Sarkozy. En outre, le principe de la solidarité gouvernementale le mettrait dans l’obligation de soutenir l’ensemble de la politique gouvernementale. Ou alors, imaginerait-on un gouvernement totalement cacophonique ?

De sorte que nous ne comprenons pas plus cette volonté de nomination, sauf si M. Sarkozy a réellement totalement changé sa politique étrangère en quelques jours.


Par ces deux exemples (A. Lauvergeon et C. Allègre étant des cas « à part ») un esprit éclairé aura observé le cynisme de M. Sarkozy qui consiste à vouloir nommer dans un gouvernement des personnalités « de gauche » qui en outre ont des points de désaccord profonds avec la politique que souhaiterait mener une éventuelle majorité présidentielle. Ce que nous déplorons, plus que le machiavélisme de M. Sarkozy, que nous connaissions déjà, c’est que ces deux personnalités soient prêtes, en reniant, en particulier pour M. Védrine, leurs idées développées à longueur d’ouvrages et d’interventions, y compris il y a quelques jours, pour se voir attribuer un maroquin ministériel. Ou, du moins, qu’elles laissent planer un doute à ce sujet. Bon appétit, messieurs, ô ministres intègres…

De toutes façons, le gouvernement qui sera sans doute nommé vendredi est un gouvernement provisoire, qui ne tient absolument pas compte des résultats des prochaines élections législatives. Nombre de ministres n’auront eu que le temps de refaire la décoration de leur bureau, avant de se voir remerciés. Encore une supercherie électoraliste de Sarkozy.

 

« L’amitié est constante en toutes choses, excepté dans les intérêts et les affaires de l’amour ». Bien vu, William !

Jonathan Gindt et Néel Travers

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N
fraise des bois : exact, il a adheré en 98 - petite erreur lors de l'ecriture du post, nous ne connaissions pas par coeur la vie de M Kouchner...qui nous a depuis été présentée abondamment par les medias... ;-)je corrige de ce pas - et puis j'en profite pour te feliciter pour ton blog, meme si je ne suis pas toujours d'accord avec les analyses (ah on ne serait pas socialistes sans ca, hein ;-)
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T
Besson se vend pour un sous-ministère.... "secrétaire d'Etat à la Prospective et à l'Evaluation des politiques publiques" .... y'en qui ont une haute estime d'eux-mêmes.... MDRpar contre Kouchner a la quai d'orsay, félon mais plus malin...
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F
Bonjour,Bernard Kouchner est bien membre du PS, même si pour des raisons incompréhensibles Solférino l'a toujours tenu à l'écart sauf in extremis pour tenter de sauver la mise à Royal (encore que c'est plutôt le 2-8-2 qui l'avait appelé)... Ceci explique en partie que BK ait franchi le pas.
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F
Dans la mesure où les inclinations de la politique étrangère française échappent plus que tout autre domaine au seul clivage droite-gauche, la nomination d'un ministre des affaires étrangères issu du PS peut faire grincer des dents, mais elle n'a rien de catastrophique en elle-même. On attendra de l'heureux lauréat qu'il tienne sa langue sur le reste de la politique du gouvernement, et il le fera sans doute s'il veut garder son maroquin.La vraie question qui se pose, à mon sens, est de savoir si Nicolas Sarkozy a une idée claire de la ligne qu'il souhaite défendre en politique étrangère: l'hésitation Védrine-Kouchner n'étant pas anodine. Hubert Védrine et Bernard Kouchner ont des caractères et des positions pour le moins contrastées, partageant les vues les plus opposées en termes de Relations Internationales. Pour l'heure, si la nomination de B. Kouchner est confirmée, seule la nomination de l'ancien ambassadeur de France à Washington à l'Elysée viendra rééquilibrer la balance et tempérer certains débordements possibles.Si l'alternative portait entre Hubert Védrine et Bernard Kouchner, cela veut dire que le nouveau président de la République voulait surtout des personnes de gauche, quelles que soient leurs compétences. Il me semble y avoir quelques points suscpetibles d'être mentionné:- les individualités de gauche qui entrent au gouvernment ont leurs ambitions: "ils vont à la soupe" et veulent avoir un beau ministère.- l'opération permet à Nicolas Sarkozy de mettre le PS un peu plus en désordre pour les législatives, et, à ce qu'on lit ici et là, il y parvient.- il se donne, à peu de frais, l'image du rassembleur et de celui qui fait preuve d'un esprit d'ouverture.Royal élue aurait probablement fait de même avec des centristes. VGE avec des gens qui soutenaient Mitterrand (F. Giroud...), et Mitterrand avec des gens qui soutenaient Barre (J.-P. Soisson...) n'avaient pas fait autrement.
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P
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=24405Le "homeland security" français déjà en placeOn savait N.Sarkozy proche du président G.W.Bush sur des points précis, comme le soutien inconditionnel à l’Etat d’israël, une option géopolitique très dangereuse vis-à-vis du Proche-Orient. On apprend aujourd’hui que le spectre de l’équipe de George W. Bush hante déjà les couloirs de l’Elysée, qui s’aligne beaucoup plus vite que prévu sur le "tout sécuritaire" dans le pays, en renforçant en priorité la structure et l’organisation de sa police.
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