Quand éthique rime avec politique
C’était l’une des propositions du pacte présidentiel (numéro 69) qui se promettait d’insuffler enfin un renouveau de la vie politique, de la rendre plus lisible. La faiblesse du Parlement en France, outre une Vème République agonisante, est avant tout due au peu d’investissement d’un grand nombre de députés dans leurs fonctions, non par pas fainéantise, mais parce qu’ils cumulent leurs fonctions législatives avec un, voire deux ou trois mandats locaux. Ségolène Royal avait donc proposé d’imposer de manière définitive le non-cumul des mandats pour tous les candidats aux législatives. Comme ses idées n’ont pas évolué au long de la campagne comme certains l’ont souvent dit, elle avait déclaré en mai 2006 qu’elle s’appliquerait cette règle à elle-même pour les prochaines élections législatives. Elle rompt ainsi avec l'adage des Hauts-de-Seine, malheureusement présent au plus haut sommet de l'Etat, selon lequel "les promesses n'engagent que ceux qui y croient" (Pasqua, grand penseur et mentor politique de Sarkozy... avant d'être trahi évidemment !).
N’ayant pas gagné l’élection présidentielle, et compte tenu du rôle incontestable qu’elle est appelée à jouer dans la refondation de la gauche, beaucoup l’incitaient à se représenter pour profiter de la tribune que représente l’Assemblée nationale. Comme à l'accoutumée, elle nous a montré qu'elle savait innover, ne s'en tenait pas aux vieilles recettes. Très attachée à sa région et persuadée que cet échelon de l'action publique est voué à un grand avenir, elle jouera un grand rôle tout en assumant sa mission.
Conformément à ses engagements, elle a donc décidé vendredi de ne pas briguer de nouveau mandat dans cette circonscription à laquelle elle est pourtant très attachée et alors que ses électeurs demandaient, exigeiant même qu'elle se présente à nouveau.
Alors brisons d’emblée toute forme de polémique facile entendue à droite :
- Elle risquait de ne pas être élue. Je n'ai jamais vu un argument d'aussi mauvaise foi. Petit retour en arrière :
o En 1988, Ségolène Royal est parachutée, disons-le clairement, dans cette circonscription ancrée à droite, très rurale. En lui confiant cette « terre de mission » à la dernière minute, François Mitterrand ne pense pas sérieusement qu’elle puisse être élue. Elle l’emporte pourtant, à la loyale, de justesse mais contre toute attente ;
o En 1993, alors que la gauche subit une défaite historique, Ségolène Royal est réélue sans aucun problème. La droite, qui lui envoie à chaque fois des « pointures » s’y casse les dents. Dès le premier tour, Ségolène Royal réalise 42% des voix, soit l’une des meilleures performances socialistes lors de ces élections législatives très difficiles ;
o En 1997, réélection sans aucun problème ;
o En 2002, réélection également, avec nouveau parachutage de droite. Elle est réélue avec plus de 55% des voix et malgré un contexte national difficile ;
o En 2007, lors des présidentielles, elle réalise près de 68% des voix dans son fief de Melle. Et elle ne réalise pas un score inférieur à 62% dans l’ensemble des cantons de sa circonscription. J’aimerai donc bien qu’on m’explique comment elle aurait pu être défaite.
- "Elle aurait pu quitter la présidence de Région". Encore une fois, Ségolène Royal est cohérente. Son mandat de député arrive à terme. Son mandat de présidente de Conseil régional, obtenu en 2004 avec le meilleur score de la gauche aux régionales est loin d’être arrivé à son terme. Elle est à mi-mandat. Il s’agit donc de continuer l’application du programme sur lequel elle a été élue ;
- "Elle n’était pas présente à l’Assemblée Nationale". Elle a fait un constat : être présidente d’un exécutif
régional ou départemental d’ailleurs et être député ou sénateur, ce n’est pas cumulable, surtout quand l’on veut bien faire l’un et l’autre. Et quand en plus on est candidate à l’élection présidentielle…
En tout état de cause, nous ne pouvons que saluer cette décision courageuse, exemplaire et risquée effectivement mais qui témoigne de la profonde cohérence de Ségolène Royal entre ses paroles et ses actes. A nouveau, merci Ségolène Royal !