Pendant que le roi s'amuse...
Les Français ont entendu parler de "civilisation", d'auto-satisfaction affichée sans complexes ou encore de "notes" attribuées aux Ministres (article à venir sur ce sujet) alors que leur vie quotidienne est marquée par un pouvoir d'achat toujours en berne, la hausse du prix des matières premières et l'absence de toute dynamique économique.
Puisque l’on parle de notation des Ministres, permettez-nous de suggérer deux critères de notation de Mme Marie-Antoinette Lagarde. Le premier serait le niveau d’inflation (et surtout la capacité à lutter contre la vie chère). Le deuxième serait le moral des ménages, qui conditionne le niveau de la demande intérieure, facteur essentiel de la croissance française. Par charité, on ne prendra pas en compte le niveau de notre balance commerciale, quand on sait que Mme Lagarde depuis trois ans responsable de ce bilan (elle était Ministre déléguée au Commerce extérieur du gouvernement Villepin même si tout le monde l’a oublié) a battu chaque année son record de… déficit.
L’inflation heureuse de Mme Lagarde : "faites du vélo, nu et le panier vide !"
Notre grande Ministre de l’Economie n’a pas hésité à annoncer ce jour, très tranquillement, du haut de son balcon de Bercy (pour longtemps encore ?), qu'il y aura "plus d'inflation en 2008 qu'en 2007". Rappelons simplement que l’inflation a déjà été assez forte en 2007 par rapport aux années précédentes (plus de 2%) et que surtout, certains produits (enquête réalisée par le Nouvel Obs), parmi les plus consommés par les Français, ont connu une augmentation de 11%. Autrement dit, après nous avoir conseillé de nous surendetter un peu plus, de prendre le vélo, après nous avoir menti, notre grande Ministre de l'Economie nous rappelle, elle a au moins le mérite de l'honnêteté (qui va lui coûter cher), que le gouvernement est définitivement incompétent et que la prétendue présidence du pouvoir d'achat se transforme en gigantesque impuissance, tout au moins sur le plan de l'intérêt général. Heureusement, conformément à votre autre souhait, Mme la Ministre, nous n'avons pas non plus cessé de penser !
Plus terrible encore, après les cadeaux fiscaux inefficaces et injustes de début de mandature, le gouvernement n’a pas hésité à écarter définitivement de la hausse du pouvoir d’achat, notamment les retraités. Alors que le candidat de l’UMP s’était engagé pour une hausse de 25% des petites pensions de retraite, elles n’augmenteront que de 1,1% l’année prochaine, soit moins que l’inflation ! Même si pour des raisons purement électoralistes et grâce à l’action efficace de l’opposition socialiste, les retraités ne paieront pas l’année prochaine la redevance télévisée dont les plus défavorisés étaient exemptés, l’entrée en vigueur de la franchise médicale et la hausse de 4% du prix du gaz va les toucher de plein fouet. Ni les fumeuses heures supplémentaires, ni la pantalonnade gigantesque du rachat des RTT ne vont leur bénéficier (pas plus qu'aux salariés d'ailleurs).
Si le niveau de l’inflation a bien entendu des composantes (hausse du prix du baril notamment) qui échappent au gouvernement français, on rappelle toutefois que des mesures assez simples permettraient de lutter rapidement contre elle :
- En soutenant les salariés : le doublement de la prime pour l’emploi, permettant ainsi à cette dernière d’atteindre péniblement les niveaux qu’on lui connaît au Royaume-Uni ou au Pays-Bas. Cela permettrait de lui donner son vrai rôle de lutte contre les trappes à chômage ;
- En soutenant les retraités : la revalorisation de 5% des petites retraites et des pensions de réversion ;
- En soutenant les consommateurs : la diminution ciblée de la TVA sur les produits de première nécessité (passer de 5,5% à 2,1%) en négociant avec les entreprises pour que ces marges soient répercutées sur les prix, sous peine de sanction) doit être envisagée. Il faut parallèlement remettre en cause le fonctionnement des marges arrière et instituer un véritable dispositif de class action permettant aux consommateurs de se défendre face aux abus de position dominant, notamment en termes d'ententes sur les prix (grande distribution par exemple) ;
- En améliorant les conditions d’accès au logement : l’encadrement des loyers par une indexation stricte de l’évolution des loyers sur celle du coût de la vie (ce que ne prévoit toujours pas le programme gouvernemental) ainsi que la stricte application de la loi SRU, sans quoi jamais le nombre de logements nécessaires ne sera atteint et les prix ne pourront ainsi diminuer.
Le moral des ménages : vous l’avez vu, mon beau « choc de confiance », aussi bien que Villepin !
Dans une analyse parue dans Le Monde, Alexandre Law, chef économiste chez Xerfi déclare : « La dernière fois que le jugement sur l’opportunité d’épargner était aussi durablement élevé remonte à la période 1993-1995, à une époque où l’économie était très vulnérable ». 1993-1995, mais qui cela peut-il bien être ? Nicolas Sarkozy, ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, non ? Il avait réussi à l’époque à gripper le seul moteur actuel de la croissance française (la consommation) en incitant à la surépargne, il est en mesure de le refaire !
Au vu de ces deux indicateurs, on comprend assez vite, pourquoi Mme Lagarde, qui n’a de cesse de se vanter de sa grande expérience dans le privé, ne s’est pas exprimé outre mesure sur la pertinence de la « notation » des Ministres. En réalité, comme le soulignait Julien Dray hier, c’est avant tout à Nicolas Sarkozy que les Français doivent demander des comptes, le seul qui échappe d’ailleurs à la « notation » qu’il impose aux autres. N’oubliez pas, chers citoyens en tout cas, qu’en démocratie, le meilleur moyen d’infliger une mauvaise note au cancre, cela passe par votre bulletin de vote lors des prochaines élections !
Précisons toutefois que nous ne sommes ni déclinistes ni déclinologues et que nous n'éprouvons aucune délectatation à profiter des exhalaisons du cadavre encore fumant de notre pays. C'est même le sens de notre engagement politique que de faire en sorte que cela ne se reproduise pas trop souvent !