« Spécial Noël » : les conditions du voyage de Nicolas Sarkozy rappellent la nécessité d’un encadrement des cadeaux faits aux élus
Alors que chacun découvre ce matin ses cadeaux au pied du sapin, Nicolas Sarkozy a quitté la France pour l’Egypte à bord d’un Falcon 900 appartenant à l’homme d’affaires Vincent Bolloré qui s’était déjà illustré en prêtant un yacht luxueux et désormais fameux au Président nouvellement élu.
L’Elysée n’a pas souhaité faire de commentaires sur les conditions de ce départ, préférant à l’évidence réserver la transparence à l’identité de la personne qui accompagne le Président.
Du « racolage passif » au risque de « corruption passive »…
Nicolas Sarkozy fait figure de récidiviste en matière de cadeaux de ce type : il faudrait ajouter aux largesses amicales de Vincent Bolloré, les conditions dans lesquelles le Président a séjourné à Wolfeboro cet été.
La défense du Président a consisté alors à affirmer que ses voyages n’avaient rien coûté au contribuable. Soit. Mais le problème soulevé par les cadeaux des amis de Nicolas Sarkozy est tout autre…
En effet, si amicales soient les intentions de Vincent Bolloré, il existe, compte tenu de l’importance des intérêts économiques de Vincent Bolloré, un risque réel lié à ces pratiques quand bien même elles seraient bien inspirées, sans même parler de corruption active.
Sans vouloir démythifier l’esprit des fêtes de Noël en sombrant dans un cynisme à la mode, certains cadeaux, dont le montant est tout sauf négligeable, ne sont en effet pas « gratuits » et appellent une contrepartie implicite…
Pour un nouvel âge de la moralisation de la vie politique
Compte tenu des risques de « corruption passive » liés à ces pratiques, les conditions du départ ce matin de Nicolas Sarkozy appellent une réflexion sur l’encadrement des cadeaux faits aux élus.
Laurence Girard, tête de liste socialiste pour les élections municipales dans le VIIème arrondissement et, à l’époque, candidate aux élections législatives, avait, au moment de l’épisode de la croisière du Président, formulé des propositions dans ce sens. L’occasion de rappeler que des limitations à des montants raisonnables et d’importantes restrictions sont déjà fixées dans les entreprises et l’administration.
Si prompt à louer les vertus des logiques de l’entreprise et à prôner leur transposition à d’autres secteurs de la société, Nicolas Sarkozy serait bien inspiré d’établir la transparence et d’accepter que le législateur impose des restrictions aux élus.
Après les efforts importants engagés dans les années 90 pour instaurer une éthique politique en matière de financement des partis, il demeure une importante « zone grise », qui se situe dans le champ des avantages en nature et des cadeaux faits aux élus. La France demeure en retard dans l’encadrement de cet espace. La plupart des scandales qui défraient aujourd’hui la chronique et décrédibilisent l’action publique se situent presque systématiquement dans ce domaine.
Pour des raisons sans doute liées à la culture politique française, il est plus difficile de sensibiliser l’opinion aux problèmes de risques de soft corruption que peuvent poser les relations entre les intérêts privés et la sphère publique que lorsqu’il s’agit d’affaire se situant clairement dans le champ de l’illégalité… Au moment de l’affaire de la croisière, les Français semblent avoir été plus sensibles aux arguments du chef de l’Etat sur le coût nul de son voyage pour le contribuable.
Pourtant, cet effort est indispensable pour entrer dans un nouvel âge de la moralisation de la vie politique après les réformes engagées en matière de financement des partis. Il s’agit, conformément à un des chevaux de bataille de Ségolène Royal pendant la campagne présidentielle, de tendre vers un Etat et un pouvoir politique réellement impartiaux…
Bastien Taloc