Réponse à Hervé Morin sur l'OTAN
Dans le DirectSoir du mardi 17 mars, Hervé Morin, ministre de la défense, répondait aux questions des lecteurs. Ici certaines de ses déclarations, commentées.
« En intégrant les structures, [nous pourrons] peser sur les grandes décisions stratégiques de l’Otan et sur la préparation des opérations »
La « codirection » que veut créer Sarkozy est un leurre. La position actuelle de la France permet à cette dernière de choisir de participer à des missions au cas par cas, ainsi que de contrôler les troupes placées sous le commandement et d’exiger des conditions sur l’engagement. En revanche, une alliance permanente matérialisée par le retour au sein du commandement intégré, ne donnera à la France qu’un droit de regard banalisé sur les stratégies. Il ne s’agit pas ici de faire du chauvinisme, mais d’affirmer que la France sera toujours plus capable d’influencer des décisions stratégiques, lorsqu’elle sera consultée en tant que contributeur financier et humain de premier ordre, que comme un acteur parmi tant d’autres. C’est donc une contre-vérité proférée ici par le ministre.
Passer par l’article 49.1 « était le seul moyen pour que les députés puissent s’exprimer, comme le réclamaient les socialistes. Ils devraient se réjouir de cette décision ».
En passant par l’article 49.1 et en posant la question de confiance, le débat a pu avoir lieu. Mais le vote à été pensé pour éviter à la majorité d’être mise en difficulté. La question du retour dans le commandement intégré dans l’Otan était couplée avec la question de la politique étrangère en général. En outre, les socialistes ne se sont pas réjouis du vote de mardi dernier, car les sénateurs n’ont pu dire mot. Pas de leçon de démocratie, s’il-vous-plaît.
« C’est parce que nous avons clarifié notre position à l’égard de l’Otan que les Européens n’ont plus la crainte que l’Europe de la défense se fasse contre l’Otan. »
Il est très présomptueux de penser qu’en raison de la position de la France depuis 1966, par rapport au commandement intégré, les pays européens n’aient pu créer une défense européenne. Cette méfiance selon Hervé Morin, se dissiperait aussi facilement ? En réalité, il est ambitieux de penser à une européanisation certaine de l’Otan pour ce que représente en fait la France, et son absence n’a jamais rien changé. Si l’Europe de la défense ne s’est pas construite, c’est plus en raison d’une tendance à la sauvegarde des pays de leurs prérogatives régaliennes et à la limitation des fonds alloués à la défense. Et notre réintégration dans le commandement intégrée ne renforcera pas la cohésion européenne. Laurent Fabius l’a dit, « une fois la réintégration de la France opérée, la défense européenne risque d’être jugée non plus nécessaire, mais au contraire redondante avec l’Otan ».
« En réintégrant l’ensemble des états-majors, nous allons européaniser l’Otan ».
Le commandement intégré de l’Otan n’a pas été créé pour discuter mais pour agir. Lorsque ce commandement opère, la question de l’ « européanisation de l’Otan » a peu de place. Et pour cause, le système est verrouillé, et n’est qu’une courroie de transmission des dirigeants américains. L’influence évoquée par Hervé Morin n’existe pas. C’est d’ailleurs Joe Biden qui a déclaré que « les Américains agiront au sein de l’Otan en concertation chaque fois qu’ils le pourront, et seuls chaque fois qu’ils le devront ». Il s’agit ici d’un véritable réalignement de la part de la France, et dans un moment où l’hyperpuissance américaine tend à diminuer, s’aligner est une décision illogique.
Suite aux contre-vérités du gouvernement, à ses fausses promesses et à ses contradictions (rupture ou correction d’une anomalie ?), la réintégration a finalement été votée. En tant qu’opposition, nous n’avons plus qu’à prendre M. Sarkozy au mot : nous observerons son « pari » lancé aux autres nations européennes quant à la constitution d’une défense européenne, et quant à l’influence croissante du « pilier européen » dans l’Otan. Nous sommes dubitatifs quant à son succès, car ces arguments concernant l’Europe, n’auront été fabriqués que pour justifier une décision déjà prise par le Président de la République, au temps de Bush.
Aurélien